Dan Gertler, répit de très courte durée
Les Etats-Unis ont réimposé lundi 8 mars des sanctions contre le milliardaire israélien Dan Gertler, accusé de «corruption publique étendue » dans le secteur minier au Congo et actuellement en campagne de propagande dans des médias congolais sur le thème «Ya Biso». Ces sanctions avaient été allégées juste avant le départ de Donald Trump de la Maison Blanche.
La mesure prise par l’administration de l’ex-président américain «était en contradiction avec les intérêts américains de politique étrangère en matière de lutte anti-corruption dans le monde entier, dont les efforts (…) visant à combattre la corruption et promouvoir la stabilité en RDC», a expliqué dans un communiqué le porte-parole du département d’Etat, Ned Price.
Une licence avait été accordée le 15 janvier au Juif israélien et à certaines de ses entreprises, selon le porte-parole Price, lui permettant de refaire des affaires aux Etats-Unis et de voir ses avoirs débloqués, s’était alarmée l’ONG anticorruption The Sentry.
«Rétablir les sanctions permet de relancer les efforts anti-corruption congolais et américains», a salué dans un communiqué le co-fondateur de The Sentry, John Prendergast. Soupçonné d’avoir signé des «contrats miniers et pétroliers opaques et entachés de corruption» dans l’ex-Katanga, Dan Gertler avait été placé en décembre 2017 sous sanctions du département d’Etat américain. L’administration américaine l’accusait d’avoir faire perdre au Congo «1,36 milliard de US$ de recettes» fiscales dans les années 2010, sous la présidence de Joseph Kabila Kabange, dont il était un proche.
Le répit n’aura été finalement que de courte durée. Dan Getler était dans le viseur des autorités américaines et ne pouvait notamment plus manipuler des dollars, la devise en vigueur au Congo.
TRUMP ALLÈGE CONSIDÉRABLEMENT LES SANCTIONS.
Spécialiste des circuits financiers offshore, il est considéré comme un pilleur des richesses congolaises par des ONG locales comme occidentales. « En décembre 2020, lors de ses derniers jours au pouvoir, l’administration Trump a considérablement allégé les sanctions», contre Dan Gertler, a dénoncé l’ONG Global Witness dans un communiqué, qui appelait « la nouvelle administration Biden à prendre une position ferme contre la corruption en appliquant à nouveau les sanctions dans leur intégralité et sans délai ». « Gertler et la plupart des entreprises de son réseau ont reçu une licence du Bureau du contrôle des actifs étrangers au Département du Trésor, à quelques jours de la fin de l’administration (Trump) », a détaillé l’ONG Sentry, co-fondée par l’acteur George Clooney. « La licence ne retire pas Gertler et sa nébuleuse de la liste des sanctions, mais elle mine de fait les sanctions», a ajouté Sentry. La licence permet à Gertler de refaire des affaires aux États-Unis et aux banques américaines, de débloquer ou de dégeler ses avoirs, a expliqué en substance Sentry. «L’administration Biden devrait révoquer ce pardon de fait accordé à Gertler et ses entreprises», a souligné l’ONG.
Le FMI a récemment exigé du Congo « la transparence des contrats miniers », en préalable à toute négociation pour un prochain programme d’aide.
Dans un message, le très actif ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer, a estimé que « la nouvelle administration Biden offre des opportunités pour élargir la coopération avec la RDC ». Dan Gertler, qui a nié tout méfait, est accusé d’avoir utilisé son amitié avec l’ancien président de la RDC, Joseph Kabila, pour agir comme intermédiaire dans la vente d’actifs miniers.
Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard, qui représente Dan Gertler, a déclaré au New York Times que la décision de réimposer des sanctions était décevante et prise « sans que M. Gertler ait eu l’occasion de présenter des preuves qu’il s’est conformé à toutes les exigences et s’est conduit correctement ». Le mois dernier, une enquête du New York Times a révélé que la décision du gouvernement Trump d’alléger les sanctions contre Dan Gertler a été prise en secret sans l’intervention de diplomates américains s’occupant directement de la corruption en Afrique. En plus d’Alan Dershowitz, l’équipe juridique du juif israélien comprenait l’ancien directeur du FBI Louis Freeh et l’éminent avocat israélien Boaz Ben Zur.
avec AGENCES.