Avec Ebanga anti-Ebola, Muyembe marque son territoire
Plus de quarante ans après avoir découvert le virus Ebola dans une région reculée du pays et passé sa vie à lutter contre cette effrayante maladie, le professeur congolais Jean-Jacques Muyembe Tamfum a assuré à Kinshasa: «elle est vaincue».
Carrément ! Le 16 septembre, le virologue de 79 ans était à l’honneur d’une cérémonie organisée à l’INRB, l’Institut national de Recherche Biomédicale, dont il est le directeur général, pour saluer l’arrivée sur le marché du traitement « Ebanga », anticorps monoclonal approuvé en décembre par la FDA, l’Agence américaine des médicaments.
Une molécule congolaise.
D’autres traitements ont montré une certaine efficacité contre la fièvre hémorragique, de même que des vaccins qui s’avèrent très protecteurs.
Mais Ebanga, c’est «la molécule congolaise», a souligné la biologiste américaine Nancy Sullivan, qui a mené aux états-Unis des travaux de laboratoire en collaboration avec le Professeur Muyembe Tamfum et son équipe. « Je suis le plus heureux des Congolais », a déclaré le professeur Muyembe. « Nous attribuons cette victoire à la persévérance sans laquelle un rêve ne peut jamais devenir réalité. La maladie Ebola est vaincue : désormais, elle est bel et bien évitable et guérissable grâce à la molécule congolaise Ebanga», a-t-il déclaré.
Ebanga ne sera pas vendu au grand public, mais sera disponible au siège de l’OMS à Genève et à l’Institut National de Recherche biomédicale pour pouvoir être utilisé en cas d’épidémie.
« Pendant quarante ans, j’ai été témoin et acteur de la lutte contre cette maladie terrifiante et meurtrière et je peux dire aujourd’hui : elle est vaincue, elle est évitable et guérissable ».
L’histoire a commencé en 1976, quand Muyembe, épidémiologiste de terrain, est appelé dans le village de Yambuku, en province de l’équateur, où une maladie mystérieuse venait de faire son apparition. Il a fait un prélèvement sur une religieuse malade, expédie le prélèvement en Belgique et c’est là que le Dr Peter Piot isole pour la première fois le virus, baptisé Ebola du nom d’une rivière proche de Yambuku. « à l’époque, je faisais les prélèvements à mains nues, avec le sang qui coulait… », raconte le professeur peu avant la cérémonie, dans son laboratoire, équipé de gants, blouse, bottes et charlotte de protection.
Quand vient une idée lumineuse.
Après 1976, la maladie n’a plus fait parler d’elle pendant dix-neuf ans, jusqu’en 1995, quand une épidémie de « diarrhée rouge » se déclare à Kikwit, grande ville de l’ex-province de Bandundu, dans l’actuel Kwilu, peuplée de 400.000 habitants. Le professeur a alors l’idée de traiter huit malades par transfusion de sang de convalescent. Sept survivent. L’échantillon n’était pas représentatif, mais l’idée a germé jusqu’à la mise au point d’Ebanga, testé pour la première fois en 2018. « Ici, nous faisons le diagnostic », explique le professeur dans son labo. « C’est très important, sur le terrain, de savoir si un patient souffre d’Ebola ».
En cas d’apparition de la maladie, « on interrompt la chaîne de transmission, on vaccine « par ceinture », c’est-à-dire autour d’un cas positif, et on traite les malades. Si l’épidémie est déclarée à temps, elle peut être terminée en une semaine», assure le virologue congolais qui est aussi dans le pays «l’Anthony Fauci», le coordonnateur de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le Covid-19. Depuis son apparition, le virus Ebola a fait plus de 15.000 morts. Il se transmet à l’homme par des animaux infectés, la transmission humaine se faisant par les liquides corporels. Les principaux symptômes sont des fièvres, vomissements, saignements, diarrhées.
La plus grande épidémie a frappé l’Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016 (11.000 morts). Le Congo a connu cette année sa douzième épidémie, qui a duré trois mois.
avec AGENCES.