Députés et ministre s’écharpent sur la taxe RAM

Députés et ministre s’écharpent sur la taxe RAM

Cette plénière là, ils la voulaient. Ils la réclamaient. Ils l’attendaient… Longtemps, ils s’en étaient pris à leur président pour ne l’avoir pas programmée. Une motion de défiance aurait même circulé… Les députés soupçonnaient Christophe Mboso Nkodia Pwanga au cœur de «quelques arrangements » avec le ministre interpellé. Pourtant, le 29 septembre, cette plénière a eu lieu.

Ce même jour, depuis Dakar au Sénégal où l’un des interpellateurs s’était rendu en mission officielle, le député UNC Juvénal Munobo a, dans un tweet, dit sa surprise «en apprenant que la question #RAM est examinée en plénière (en son) absence ».

Il avait «demandé à l’Honorable Président que la question soit programmée le 6 octobre » à son retour. Un tweet abondamment liké et commenté…

Accompagné de Christian Katende Mukinayi, le Directeur Général de l’ARPTC, le régulateur national, le ministre des Télécoms Augustin Kibassa Maliba s’est donc présenté devant les députés, a aligné les bienfaits de cette taxe RAM – Taxe sur le Registre des Appareils Mobiles – officiellement lancée en septembre 2020 par le ministre lui-même avec l’aide de l’ARPTC, a tenté de convaincre les députés très remontés, qui hurlaient, contestant la justesse de ce service.

«Le RAM a permis l’accompagnement de la gratuité de l’enseignement avec le projet SINTED mêlant le ministère des PT-NTIC, le ministère de l’EPST et celui de l’ESU en vue d’interconnecter des entités éducatives, telles des universités, des instituts…».

une plénière qui en promet d’autres…

Le RAM a permis la distribution de E-SIM, l’installation du wifi gratuit qui permet de télécharger les données en rapport avec l’enseignement, la transmission rapide des données. Grâce à cette taxe, l’ARPTC a déjà enregistré 585 cas de téléphones volés ou perdus. Le ministre qui a laissé entendre que les téléphones multi-sims ayant fait l’objet d’un double prélèvement, seront exemptés de cette taxe, l’année prochaine, le temps de régulariser la situation.

Le RAM a, à ce jour, généré 25 millions de $US générés, «montant qui représente les revenus consolidés par les opérateurs», déclare le ministre. Quand certains évoquent, citant des sources, le chiffre de 130 millions de $US…

A en croire le régulateur, cette taxe a pour objet d’optimiser la sécurité et la qualité de service des réseaux mobiles sur le territoire national, de lutter efficacement contre la contrefaçon des appareils mobiles en déconnectant les appareils identifiés comme non-conformes, de combattre le vol des appareils mobiles en bloquant les appareils déclarés volés.

Propos que les députés unanimes – de l’Union Sacrée ou de l’opposition FCC – ont refusé de laisser passer dans un hémicycle en ébullition.

Ceux qui accusaient le président de l’Assemblée nationale de refuser le débat démocratique au sein d’un cénacle présenté comme « le Temple de la démocratie » ont salué une plénière qui en promet d’autres au point que l’un d’eux signataire de la motion hostile, a annoncé, en s’adressant à ses pairs, qu’il renonçait à sa signature…

Dans leur écrasante majorité, les députés ont déclaré ne pas être « convaincus » par le ministre.

« La taxe RAM est illégale. Elle est instituée en violation de l’article 5 de l’ordonnance-loi no 18/003 du 13 mars 2018 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central qui stipule qu’il ne peut être institué d’autres droits, taxes et redevances au profit du pouvoir central qu’en vertu d’une loi après avis favorable des ministres ayant le Budget et les Finances dans leurs attributions (…). En conséquence, la facturation d’enregistrement des appareils mobiles en faveur de l’ARTPC est une violation volontaire de cette disposition», explique l’un des initiateurs de cette question orale avec débat, l’UNC Claude Misaro.

« La même ordonnance-loi détermine deux taxes reconnues à l’ARPTC et perçues par la DGRAD au profit du Trésor public. Il s’agit des taxes de numérotation et de régulation des télécommunications. Nous dire que l’Autorité de Régulation de la Poste et de Télécommunications doit bénéficier d’une autre taxe en dehors de celle reconnue par la loi est une violation manifeste de la même loi », poursuit-il, ajoutant que cette taxe piétine l’Etat de droit tant vanté par le Président de la République.

Une taxe largemment contestée.

Cette taxe qui affecte près de 40 millions d’abonnés que compte le Congo, est loin de faire l’unanimité.

A propos des 25 millions de $US générés, un député, Josué Mufula, réclame des explications. « Que veut dire l’État de droit ? On doit nous édifier sur la traçabilité de tous ces fonds-là. Le travail de l’IGF, c’est quoi ? On doit nous éclairer sur tous les fonds collectés sur le dos de la population. Le ministre doit nous éclairer sur ces kidnappeurs et ces bandits qui utilisent certains téléphones, certains réseaux de communication pour kidnapper nos concitoyens. Il faut qu’il nous dise tout ça. Je crois qu’aujourd’hui, nous l’avons eu et il faut que nous soyons éclairés ».

A l’issue de ces questions suivies d’accusations d’«escroquerie» voire de « vol » quand certains réclamaient publiquement sa démission, le ministre n’a pas caché son ressenti, se disant «choqué».

Soixante-seize demandes de parole avaient été enregistrées mais impossible d’aller aussi loin. C’est l’ancien Vice Premier ministre en charge du Budget qui a repris son siège à l’Assemblée nationale, Me Baudouin Mayo Mambeke qui a suggéré : « Je crois que la question a été clarifiée. Les députés estiment que la taxe est illégale. C’est ça la réalité. Pour être efficace, il n’y a rien d’autre qui sortira après ce que les collègues ont dit ici. Le ministre va répondre et s’il ne veut pas répondre, il y a des procédures que le président du bureau va donner ».

Le ministre doit repartir cette semaine devant les députés sans savoir ce qui l’attend quand des groupes proches de l’UDPS sur Internet prennent sa défense… Tout comme des associations d’étudiants pro-Wifi.

ALUNGA MBUWA.

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