Le Congo fait un retour sur la scène internationale

Le Congo fait un retour sur la scène internationale

Les images ne trompent pas.

Depuis sa prise de fonctions, le 24 janvier 2019, il en a effectué des tournées à l’étranger. Mais le voyage qui vient de conduire le président de la République en Israël, à Rome pour le G20, dans la ville portuaire sur la rivière Clyde dans les Lowlands en Écosse, au Royaume-Uni, a été exceptionnel. Les images ne peuvent tromper.

Des sourires, des poignées de main toniques, des chaudes accolades, etc. Joe Biden, l’homme le plus puissant de la Terre, a, face au monde, devant caméras et photographes de la Planète, mis en scène des retrouvailles avec un allié historique et délivré le message d’une relation des plus cordiales. Des liens qui, avec les Kabila, ont connu une stagnation ces dernières années et des périodes de tensions.

FATSHI FAIT DE LA REPARTIE.

Avec l’arrivée de Tshisekedi à la présidence du pays, le Congo s’est placé tôt à l’agenda international. Voilà qui n’a pas toujours été bien accueilli par tout le monde.
Face à d’immenses défis socio-économiques et sécuritaires en interne – à l’est, dans la nuit de mardi 2 à mercredi 3 novembre, Bukavu, la grande ville frontalière du Rwanda, a été le théâtre d’une attaque des Maï-Maï, qu’il ne faut pas minimiser – le président estime qu’en dehors d’une compréhension des Occidentaux – d’un appui stratégique extérieur – il n’existe pas de solution.
Sous l’administration républicaine, les relations s’étaient déjà réchauffées au plan de la sécurité et de la défense outre le retour du pays à l’AGOA décrété par de Donald Trump.
Rome, samedi 30 octobre, ce fut la grande fête du G20, la réunion annuelle du Groupe intergouvernemental de dix-neuf des pays aux économies les plus développées du monde et de l’Union Européenne, avec divers sommets, des chefs d’État, des chefs de gouvernement, des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales.
Cette année, au titre de président en exercice de l’Union Africaine invitée depuis peu au G20, outre quelques présidents africains, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo s’est retrouvé à la table des Grands.
L’occasion faisant le larron, placé clairement à l’agenda de la Maison Blanche sous Joe Biden – il n’existe pas de hasard, dit-on – le président congolais a fait de la repartie.
Nul doute que ce vieux de la vieille de la diplomatie internationale, a trouvé du répondant au fils du Sphinx quand des sources (non encore officielles) misent sur une prochaine rencontre en tête-à-tête entre les deux dirigeants dans le Bureau ovale de la Maison Blanche.
Mais, bis repetita. Après Rome et le G20, c’est Glasgow lundi 1er novembre, une autre rencontre planétaire, la COP26, cette conférence des Nations unies sur les changements climatiques, là où l’homme organise l’avenir de l’homme, l’avenir l’humanité. Dans la ville portuaire de l’ouest de l’Écosse, le Congo était attendu et il était présent contrairement à plusieurs autres rendez-vous que le pays a manqués.
La forêt congolaise, la deuxième plus grande forêt tropicale du monde (plus de 240 millions d’ha) après celle du Brésil. Elle représente 10 % des forêts tropicales de la Planète. Elle absorbe chaque année près de 1,5 milliard de tonnes de CO2 de l’atmosphère, soit 4 % des émissions mondiales. Ses tourbières qui couvrent 100.000 km2 sont les plus grandes de la Terre. Son écosystème offre un service d’absorption de carbone équivalent à dix ans d’émissions mondiales. Mais le bassin du Congo qui s’étend sur plus de 3,6 millions de kms2 et compte six pays en Afrique centrale, outre le Congo, le Congo-Brazzaville, le Cameroun, la Centrafrique, le Gabon, la Guinée équatoriale, est l’une des dernières régions du monde à absorber plus de carbone qu’elle n’en émet. Face au monde, l’heure était venue de sonner le tocsin.
Au lendemain de l’ouverture anticipée de cette COP de Glasgow, qui a eu lieu en plus grande pompe, inaugurée par une cérémonie diffusée en direct sur des télévisions du monde et des réseaux sociaux, Boris Johnson, le Premier ministre britannique et le Portugais Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies sont montés les premiers au micro.

«IL EST TEMPS DE DIRE «ASSEZ».

Dans une grande unanimité, les deux hommes ont appelé à agir vite et efficacement.

« Les générations futures ne nous pardonneront pas si nous échouons à lutter plus efficacement contre le changement climatique car ce sont elles qui en paieront le prix», déclare le Premier ministre britannique, l’hôte du sommet, dans son discours inaugural.

«Toutes les promesses ne seraient que du blablabla», en cas d’échec, a-t-il poursuivi, paraphrasant l’égérie du mouvement mondial des jeunes pour le climat, la Suédoise Greta Thunberg.

«Oui ce sera difficile. Oui nous pouvons le faire. Alors mettons-nous au travail», a-t-il exhorté.

Antonio Guterres appelle à «sauver l’humanité»  face au changement climatique, pour cesser de creuser «nos propres tombes».

«Il est temps de dire «Assez» : Assez de brutaliser la biodiversité. Assez de nous tuer nous-mêmes avec le carbone. Assez de traiter la nature comme des toilettes. Assez de brûler et forer et extraire toujours plus profond. Nous creusons nos propres tombes», martèle-t-il, dénonçant notre «addiction aux énergies fossiles».

Quant à Joe Biden, il a choisi la conférence de presse qu’il a donnée mardi 2 novembre, clôturant sa propre visite à la conférence climat, considérée comme capitale, pour s’en prendre au président chinois Xi Jinping qui a commis « une grave erreur » en ne venant pas à la réunion du G20 à Rome et en « tournant le dos » à la COP26 à Glasgow.

« Je pense que c’était une grave erreur de la Chine de ne pas venir. Le reste du monde a regardé la Chine et s’est demandé : « qu’est-ce qu’ils apportent?»».

La COP26, « c’est un sujet gigantesque et ils ont tourné le dos. Comment peut-on faire ça et prétendre à un quelconque leadership », a-t-il tancé. En agissant ainsi, le président chinois « a perdu une occasion d’influencer les gens dans le monde entier», a-t-il poursuivi.

IL RESTAIT AU CONGO…

Xi Jinping s’est contenté d’un message écrit, posté sur le site de la conférence, aucune intervention par visioconférence ou message vidéo n’était prévu pour les chefs d’État et de gouvernement, qui devaient venir s’exprimer sur place. « C’est la même chose pour Vladimir Poutine », a poursuivi Biden. Le président russe était également absent aux deux réunions.

Une intervention forte mardi a été celle du célèbre réalisateur britannique de documentaire nature -La vie en couleurs – David Attenborough.

En rappelant les chiffres inédits de concentrations de CO2 actuellement dans l’atmosphère, il souligne que l’humanité a bénéficié d’un climat relativement stable durant plusieurs dizaines de milliers d’années, permettant le développement de la civilisation humaine telle qu’on la connaît. Jusqu’à ce que les activités humaines viennent dérégler le climat et menacer l’équilibre de la nature.

Première ministre de La Barbade, un micro-État indépendant faisant partie du Commonwealth britannique, situé dans la partie est de la mer des Caraïbes, Mia Amor Mottley délivre, lors de la séance solennelle d’ouverture, un discours virulent, rappelant que certains pays, plus que d’autres, sont très sensibles au changement climatique et risquent d’encaisser les conséquences beaucoup plus vite. «1.5°C, c’est ce dont on a besoin pour survivre. 2°C, est une condamnation à mort pour les habitants d’Antigua-et-Barbuda – la charité bien ordonnée commence par soi-même, ndlr -, des Maldives, des îles dominicaines et Fidji, du Kenya et du Mozambique».

Il restait au Congo de monter sur le plateau, en délivrant sa vision appelant à «la vérité dans la responsabilité».

Le Congo, a déclaré le président de la République, «se positionne naturellement comme solution».

«La République Démocratique du Congo, pays situé en plein cœur de l’Afrique et qui abrite la seconde plus grande forêt au monde se trouve être en cette année, le porte-voix de tout un continent pour des assises d’une si grande importance. Avec tous ses atouts et son rôle naturel charnière, la République Démocratique du Congo porte une grande ambition dans la régulation climatique. Avec ses tourbières et son massif forestier, elle fournit à l’humanité un immense service de séquestration de gaz carbonique et contribue à limiter l’augmentation de la température planétaire».

Ci-après en intégralité. 

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A LA COP26 CLIMAT.

Vos Altesses, Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de

Gouvernements ;

Distingués invités

Comme vous le savez, notre planète est l’objet, à chaque instant, de mutations profondes aux conséquences et répercussions importantes qui impactent négativement notre capacité à répondre au défi du changement climatique. En effet, aucune seconde, ni minute ne s’écoule sans que nos régions ne subissent graduellement les effets de ces mutations.

Malheureusement, notre accoutumance aux discours et autres statistiques alarmantes, sans réel agissement de notre part, nous mène inexorablement à notre perte.

À cet égard, la publication du dernier rapport du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du climat constitue, pour nous leaders et décideurs de ce monde, un ultime appel à l’action.

C’est pourquoi, cette conférence représente, à mes yeux, une opportunité historique pour mettre fin à nos tergiversations et renforcer nos engagements pour la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris. Le réchauffement de la planète, selon plusieurs études crédibles, est en hausse, entre 4 et 5°C de la température globale, loin des 2°C prévus par l’Accord de Paris.

Nos discussions devraient, dès lors, se focaliser sur la décarbonation de l’économie mondiale et la nécessité de soutenir davantage les pays vulnérables, en particulier ceux d’Afrique, d’Asie ou encore les pays insulaires, à s’adapter aux impacts du changement climatique.

En outre, la préservation de notre planète ne pourra, en réalité, se matérialiser sans pour autant que nous ne fassions preuve de vérité dans la responsabilité.

En effet, l’Afrique qui n’émet que très peu de gaz à effet de serre, se voit être l’un des continents les plus vulnérables face à ces changements, compte-tenu des données climatiques préexistantes, mais également, des réalités socioéconomiques et politiques qui la transcendent.

Cependant, bien que possédant une immense forêt tropicale humide, le Bassin du Congo, qui constitue une part importante de la réponse aux défis climatiques actuels, force est de constater que notre continent ne reçoit pas, en retour de cette contribution, une compensation juste et proportionnelle.

Mesdames et Messieurs,

La République Démocratique du Congo, pays situé en plein cœur de l’Afrique et qui abrite la seconde plus grande forêt au monde se trouve être en cette année, le porte-voix de tout un continent pour des assises d’une si grande importance. Avec tous ses atouts et son rôle naturel charnière, la République Démocratique du Congo porte une grande ambition dans la régulation climatique.

Avec ses tourbières et son massif forestier, elle fournit à l’humanité un immense service de séquestration de gaz carbonique et contribue à limiter l’augmentation de la température planétaire.

Ses ressources énergétiques ainsi que ses minerais stratégiques essentiels dans le développement de techniques, outils et procédés visant à réduire l’impact carbone de même que la pollution au niveau planétaire positionne naturellement, mon pays, comme solution. Ainsi, comme je l’ai annoncé le 22 avril dernier, lors du Sommet sur le Climat initié par le Président des États-Unis d’Amérique, Monsieur Joe Biden, je réitère ici l’engagement de la République démocratique du Congo à mettre en œuvre l’Accord de Paris. Il s’agit, pour nous, de concilier cet engagement à nos efforts de lutte contre la pauvreté au profit de nos populations, particulièrement aux communautés locales et aux peuples autochtones. C’est, en l’occurrence, dans cette perspective que mon pays a actualisé sa contribution déterminée à l’échelle nationale. Fixée à 17% en 2015, la cible actuelle de réduction d’émissions de gaz à effet de serre a été portée à 21% à l’horizon 2030. Cette révision inclut de nouveaux secteurs majeurs tels que les transports, les mines, les infrastructures et les déchets. Le coût de mise en œuvre y relatif se chiffre à environ 48 milliards de dollars américains. Nous nous attelons à mener des actions qui permettent, non seulement, la préservation de nos forêts mais aussi leur gestion efficiente, tout en nourrissant l’ambition de restaurer notre couvert forestier à 63,5% à l’horizon 2030.

Nous nous employons, également, à réduire la pression sur nos forêts en développant notre immense potentiel énergétique propre et renouvelable. Il y a des possibilités d’améliorer qualitativement le taux d’accès à l’électricité à l’horizon 2030. De même dans le cadre de l’intégration régionale, des projets d’interconnexion avec d’autres pays sont prévus.

Mesdames et Messieurs,

L’Afrique et la République démocratique du Congo recommandent vivement l’application effective de l’Article 9 de l’Accord de Paris aux termes duquel, les pays développés fournissent des ressources financières adéquates pour assister les pays en développement à mettre en œuvre leurs programmes d’adaptation et d’atténuation. À ce propos, il est nécessaire de soutenir les programmes d’adaptation de l’Union africaine tels que l’Accélération de l’Adaptation en Afrique (AAA) et le Plan de Relance Verte de l’Afrique.

Je voudrais terminer, Mesdames et Messieurs, en réitérant mon propos, tenu lors du Sommet sur le Climat, relatif à la nécessité de revoir à la hausse le prix de carbone de 5$ à 100$ la tonne.

Il est évident qu’un prix de carbone plus robuste et équitable intégrant toutes les opportunités, permettrait de découpler l’augmentation des émissions et le développement économique. Je vous remercie.

Glasgow, écosse, mardi 2 novembre 2021.

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