2021 – Une histoire du Congo
Sans conteste, on le dira: cela n’arrive qu’au Congo.
D’abord qui a déjà vu, dans le monde, à la tête d’un pays, un Président de la République auquel sont adjoints quatre Vice-Présidents de la République ?
Ce fut le régime 1+4 établi à Sun City en Afrique du Sud le 19 avril 2002 par un accord signé à Pretoria par des parties congolaises en conflit armé à la suite d’un dialogue présidé par les puissances du monde, qui fut mis en place, le 30 juin 2003, et pris fin en 2007 à l’issue d’élections générales de juillet 2006, de la proclamation de la IIIème République, le 18 février 2006, de la nomination d’un gouvernement, le 5 février 2007, conduit par un ex-opposant Antoine Gizenga Funji.
Berlin, 26 février 1885, ensuite.
Ce jour-là, les mêmes puissances qui se partagent le monde, se partagent l’Afrique noire, «terre sans maître».
Mais voilà qu’elles ne reconnaissent aucun pouvoir tutélaire sur le Congo mais confient au roi des Belges Léopold II la possession à titre privé de ce vaste territoire au cœur du Continent et que le monarque belge baptise «l’État Indépendant du Congo».
L’INCROYABLE PARI.
Au lendemain de cette Conférence de Berlin, nul autre pays au monde ne jouit d’un tel statut.
Pourquoi les puissances du monde cèdent-elles à un petit monarque un territoire quatre fois plus grand que la France, trente-trois fois plus grand que le Benelux, quatre-vingt fois plus grand que la Belgique et que le chancelier allemand Bismarck (1871-1890) a baptisé «le Danube de l’Afrique»?
L’élite congolaise a-t-elle plongé dans son histoire pour en savoir plus sur ce mystère et aider à construire l’avenir du pays ?
«Il n’est pas de futur sans passé, parce qu’on ne peut imaginer ce qui doit être comme une forme de répétition», écrit l’Américaine aux origines norvégiennes Siri Hustvedt.
Passons à 2021 et voyons cet incroyable pari que lance à l’avenir Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et qui se réalise en transformant une majorité parlementaire qui lui était hostile, et en en faisant sienne au moindre coût, c’est-à-dire, sans élection. Qui a déjà jamais vu ça dans le monde ?
Le 14 décembre 2020, après qu’il a mis fin à la coalition CACH (tshisekediste)-FCC (kabiliste) négociée à l’issue d’élections de décembre 2018, le président de la République, devant les deux chambres parlementaires réunies en Congrès, dresse ce constat :
« Malgré les efforts que j’ai déployés, les sacrifices que j’ai consentis et les humiliations que j’ai tolérées, cela n’a pas suffi à faire fonctionner harmonieusement cette coalition». Et d’appeler à «la formation d’un gouvernement d’Union sacrée de la Nation qui travaillera en harmonie avec le Chef de l’État».
Cela passe impérativement par quatre départs que nul, un mois auparavant, n’aurait pu imaginer. Démission actée le 27 juin 2020 du président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu qui, dans sa lettre, explique avoir affronté «des dures épreuves ayant permis au pays, tout en gardant le cap, de traverser des moments historiques». Destitution le 10 décembre 2020 de la présidente de la chambre basse Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi (281 votes sur 484). Destitution, le 27 janvier 2021, du Premier ministre, chef du gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba à l’Assemblée nationale (367 votes sur 382). Visé par une pétition, démission, le 5 février 2021, du président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba. Deux de ces personnalités – Benoît Lwamba Bintu et Alexis Thambwe Mwamba – ont «librement» préféré quitter le pays et prendre le chemin de l’exil…
Depuis, l’ex-majorité parlementaire FCC-PPRD, fabriquée par les ténors du kabilisme fond, jour après jour, comme neige au soleil.
L’INSTINCT DE SURVIE.
S’il en existe encore des hommes et des femmes dans les rangs du FCC-PPRD, chacun d’eux dispose désormais de son propre parti politique et nul ne paie chère la peau du parti kabilisme.
Au sein de cette ex-majorité ou de ce qu’il en reste, plusieurs frondes s’expriment chacune publiquement, revendiquent chacune publiquement son indépendance et sa liberté, réclament chacune publiquement des droits.
Face au grand remplacement, c’est l’instinct de survie.
Le phénomène atteint le groupe qui, jusque là, paraissait le plus solide: celui du mouvement Ensemble pour la République de l’ex-gouverneur multi-millionnaire du Katanga Moïse Katumba Chapwe. Dans un courrier adressé au Chef de l’État, il lui lance un défi, en lui traçant deux lignes rouges à ne pas franchir (le projet de Loi Tshiani qui interdit la fonction présidentielle aux Congolais nés d’un parent étranger, la désignation des membres de la Commission électorale nationale indépendante sans consentement des évêques catholiques) en indiquant que si l’une de ces deux lignes est franchie et, s’agissant de la Loi Tshiani, «si elle venait à être ne serait-ce que programmée pour être débattue au Parlement, nous quitterions l’Union sacrée».
Or, l’une de ces lignes rouges a été franchie le 16 octobre 2021, à savoir, la désignation du président de la Commission électorale, Denis Kadima Kazadi. Depuis, rien n’a bougé malgré l’annonce en grande pompe de ses consultations et aucun de ses cinq ministres dont un Vice-Premier ministre, n’a, à ce jour, apporté publiquement, une approbation à cette initiative.
Certes, Moïse Katumbi répète à l’envi qu’il est «un homme libre» ; qu’il «ne cache jamais (ses) intentions» ; «nous n’avons pas rejoint la majorité pour applaudir. Il faut avoir le courage de dire tout haut ce qui ne marche pas».
Voilà ce qu’a été 2021, l’année qui s’achève outre le phénomène Inspection Générale des Finances, qui traque les détourneurs des fonds publics et que le FCC-PPRD trop feutré dans son schéma de reproduction, n’avait pas vu venir. Le Soft International livre ci-après les pages clés qu’on lira avec délectation.
T. MATOTU.