Face aux armateurs planétaires, Tshisekedi croit en la relance des lignes maritimes nationales
Expert maritime, auteur du «Gui-de de la conteneurisation et du transport multimodal» (Ed. Shipping Guides/Ghana, 2011), Éditions Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public, LMC (ex-CMZ), les Lignes Maritimes Congolaises (ex-CMDC, ex-CMZ), face aux enjeux internationaux actuels.
RIEN N’A PU SE REALISER.
«Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale», note ce panafricanisme maritime Gabriel Mukunda Simbwa.
Pourtant, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo tient à réaliser une promesse non tenue par son prédécesseur Joseph Kabila Kabange lors de la campagne électorale de 2011.
L’on rappelle l’image de ce grand paquebot surmonté de l’effigie de Joseph Kabila affichée sur des panneaux géants dans de grands carrefours de la Capitale. Mais les panneaux ne se sont pas traduits en actes.
Mi-mars 2022, à la faveur d’une réunion du Conseil des ministres, la ministre du Portefeuille, Adèle Kahinda Mayina, et son collègue des Transports, Chérubin Okende Senga ont jusqu’au 18 avril 2022 pour présenter au Chef de l’Etat un projet réaliste en vue de la remise à flots des LMC.
D’ores et déjà, pour le président de la République, les LMC doivent disposer, à court terme, des navires adaptés au tirant d’eau du port de Matadi.
Les analystes rappellent que dans son plan quinquennal 2012-2016 présenté devant l’Assemblée, le Premier ministre d’alors, Augustin Matata Ponyo Mapon avait prévu quelque 35 millions de $US pour doter les Lignes maritimes d’un navire de haute mer. Rien n’est venu, même pas une péniche.
En 2018, alors que Kabila se retrouve hors-délai constitutionnel, le Gouvernement Tshibala prévoit 21.8 millions de $US pour l’acquisition d’un navire au profit des LMC. Point d’exécution! Pourtant, mi-2017, à la suite de la révision à la hausse de la taxe du trafic maritime en provenance et à destination de la RDC à travers l’arrêté ministériel n°028/CAB/VPM/MIN/TC/2017 du 7 août 2017, les LMC auraient dû disposer suffisamment de moyens financiers pour s’auto-équiper en navire de haute mer. Les LMC taxent, en effet, un container de 20 pieds (soit 28 t environ), 40 $US ; celui de 40 pieds revient à 80 $US ; voiture et minibus 20 $US, voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…) 35 $US; engins lourds et de génie civile, 70 $US; le m3 des hydrocarbures 2 $US ; et également 2 $US la tonne, pour tout cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.).
Hélas. Même les dernières déclarations du PCA des LMC, Lambert Mende Omalanga, selon lesquelles l’entreprise se serait déjà dotée de trois navires, s’avèrent donc comme un attrape-nigaud politique.
Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo veut du sérieux.
Il veut doter les LMC de navires dont l’exploitation serait également profitable à la SCTP (ex-ONATRA) au regard du tirant d’eau dans le port de Matadi. Voilà plus de 20 ans que l’ex-CMZ ne dispose plus de navire en propre, a déploré le président de la République lors de la 45ème réunion du Conseil des ministres, tenue le 18 mars 2022.
NOSTALGIE, NOSTALGIE…
En 1975, l’alors CMZ, Compagnie Maritime Zaïroise des années Mobutu, était devenue l’un des plus grands armements d’Afrique avec une flotte de dix navires parmi lesquels les M/V Kasavubu-Cargo 11.700 t le M/V Kananga Cargo-mixte 15.350 t et le M/V Lumumba-Cargo 15.000 t.
Comme Air-Zaïre qui parcourut en 1978, avec son Léopard Volant, les viles de Bruxelles, Paris, Rome, Athènes, Londres, Madrid, etc., outre une multitude de capitales africaines, Entebbe, Nairobi, Dar es Salaam, Bujumbura, Libreville, Douala, Lagos, Lomé, Abidjan et Dakar, etc., sans compter en interne, Kisangani, Kananga, Mbujimai, Bukavu, Isiro, Goma, Lubumbashi, qui n’a pu être fier de cette compagnie maritime zaïroise? Certains furent vendus, d’autres saisis par des créanciers.
En 1994, à la faveur de la conférence internationale sur l’aide que la Belgique pouvait apporter au pays, l’ex-P-dG belge de l’ex-Onatra, Honoré Paelinck fit remarquer que «beaucoup de créanciers attendent la moindre occasion de reprise de la compagnie pour lancer de nouveau des saisies».
Ce que réfutent certains juristes au regard des actes uniformes de l’OHADA.
Depuis le 12 septembre 2014, les LMC Sarl sont devenues SA, société anonyme unipersonnelle avec Conseil d’administration, en application de l’Acte Uniforme sur le droit commercial général de l’OHADA. La Snél SA et la Gécamines SA se sont ainsi débarrassées de fonds vautours et d’anciens créanciers qui ont tenté de saisir leurs comptes à l’étranger.
Mais pour l’expert maritime, Gabriel Mukunda, «les armements africains tels que BlackStars du Ghana, CMZ (LMC) de l’ex-Zaïre, SITRAM de la Côte d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés car n’ayant pas été capables de sortir la tête hors de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes.
Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant de l’Afrique».
AU MILIEU DE CES MASTODONTES.
L’expert maritime congolais relève que le commerce international se réalise à 80% par voie maritime. Les biens produits dans certains pays du monde sont transportés à l’aide des navires vers les pays de consommation. D’où, tout l’intérêt de la conteneurisation. Plus de 80 % du commerce extérieur de l’Afrique transite par les ports, alors que ce continent ne représente que 5 % du commerce maritime mondial et 2 % du trafic conteneurisé du monde que se partagent des armateurs planétaires comme MAERSK, CMA-CGM, MSC, PIL, ZIM… GRIMALDI.
Les Lignes Maritimes Congolaises devraient donc se frayer du chemin au milieu de ces mastodontes. La concurrence s’annonce rude pour l’armateur congolais. Les Lignes Maritimes ambitionnent d’ailleurs de passer en mode multimodal comme l’Ogefrem.
L’on observe quelques remorques frigorifiques estampillés LMC sur la route Matadi-Kinshasa. Après le port en eau profonde de Banana, ramener les LMC en haute-mer serait pour le président de la République une opportunité de mettre le cap vers 2023 avec la faveur et la ferveur de l’opinion.
Reste que le spectre du grand ITB/Kokolo devenu quasiment un éléphant blanc hante les experts. Que dire ? Sinon Wait and see.
POLD LEVI.