Nicolas Kazadi met quiconque au défi de fournir la moindre preuve qu’il est mêlé dans un contrat d’achat de véhicules
PARIS, BRUXELLES, KINSHASA.
«J’ai voulu dès le départ éviter tout conflit d’intérêt. J’ai voulu être hors de ce marché. Je ne suis intervenu à aucun moment dans ce dossier», nous déclare le ministre des Finances.
Il est cité dans un dossier d’achat de véhicules de luxe pour les ambassades congolaises. Avec force, le ministre des Finances, Nicolas Serge Kazadi Kadima-Nzuji met quiconque au défi d’apporter le moindre début de preuve que son nom « est mêlé ou a été mêlé dans ce dossier, à un niveau ou à un autre ». Et il insiste : «Qu’on m’apporte cette preuve…».
Puis : «J’ai voulu dès le départ éviter un conflit d’intérêt. J’ai voulu être hors de ce marché. Je ne suis intervenu à aucun moment dans ce dossier. L’homme qui a gagné le marché, c’est mon frère certes. Mais le marché a été conclu dans le respect de tous les principes et dans toute la transparence entre la Primature et le ministère des Affaires étrangères. Ce n’est pas moi qui ai approuvé le marché. Je ne suis intervenu aucune fois et à aucun moment. Je le dis la main sur le cœur. Quiconque a des preuves de mon implication à quelque niveau que ce soit, je le mets au défi de les brandir. Je ne connais personne, à quelque niveau que ce soit, à la Direction Générale des Marchés Publics. Je dis bien personne. Je n’ai d’ailleurs jamais voulu connaître le nom de qui que ce soit là-bas. Cela ne m’intéresse pas. J’ai toujours clamé haut et fort que je n’ai reçu aucun centime. Mais, c’est vrai que mon frère est le seul Congolais dans ce pays qui est concessionnaire d’automobiles et, en plus, d’automobiles de grandes marques. Telles Mercedes, BMW, Ford, Renault, Mitsubishi, etc. Qu’on me dise s’il en existe un autre. C’est parce qu’il est le frère du ministre des Finances que si cet homme remplit toutes les conditions pour gagner un marché qu’il doit être puni, en lui refusant ce marché ? Cela n’aurait pas de sens», nous déclare dans un des rares démentis qu’il adresse à la presse, Serge Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, en charge des Finances également, depuis avril 2022, ministre intérimaire de l’Économie nationale, depuis la destitution, fin mars 2022, de son titulaire Jean-Marie Kalumba Yuma.
« J’AI ÉVITÉ UN CONFLIT D’INTÉRÊT».
De poursuivre : «Précisément pour éviter un conflit d’intérêt, ce n’est pas moi qui ai autorisé les paiements. J’ai refusé de le faire. C’est la Vice-ministre qui a signé, par deux fois, ces paiements… Moi, je me suis déporté, dès le départ ».
Selon les informations du ministre, à ce jour, 70% des fonds destinés à ce marché ont été payés et, contrairement à ce qu’on prétend, 60% de véhicules ont déjà été livrés aux ambassades congolaises.
« Mais je pense qu’une quantité aussi importante de véhicules, on ne la trouve pas parquée dans un garage. Il faut passer commande auprès des fabricants de véhicules et il y a des délais à observer. Ce sont ces délais que j’imagine, la firme attend. Mais je peux vous assurer que tous les véhicules ont été commandés et tous vont être livrés. Il ne faut pas qu’on se fie à toutes ces insinuations qui n’élèvent pas le métier de la presse. Ce sont toujours les mêmes médias qui diffusent des fausses informations. Il n’y a jamais rien sérieux dans ce qu’ils écrivent ».
Selon les informations obtenues par Le Soft International, contrairement à ce que certains peuvent s’imaginer, la majeure partie du chiffre d’affaires de Socimat n’est pas réalisée avec l’État congolais. Mais c’est avec des privés. Qui sont principalement des minings.
Au total, il s’agit d’un projet de redynamisation des missions diplomatiques congolaises voulu par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo lui-même. Un projet qui a requis un budget d’environ 50 millions de $US. Dans ce budget, une bonne partie est allée dans le paiement des arriérés de salaire des diplomates et dans les frais de rapatriement du personnel arrivé en fin de mandat ; une autre est allée aux mobiliers, en l’espèce, 14 millions de $US. « Le marché de véhicules passé par la Primature, le ministère des Affaires étrangères et approuvé par la Présidence de la République, a été le moins coûteux qu’on ait trouvé », a encore déclaré au Soft International le ministre Serge Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji.
Selon un texte paru le 12 décembre 2022 sur le site en ligne Africa Intelligence, média basé à Paris, c’est Christophe Lutundula Apala Pen’Apala, Vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères qui, le 20 décembre 2021, avait octroyé ce marché à la Société Africaine de Distribution Automobile, Sada Motors RDC.
Une société dont un Brazza-congolais Alexis Ndinga, proche du président brazza-congolais Denis Sassou Nguesso, détient 70% des parts, les 30% autres étant contrôlés par Jacky Kazadi Nduba, qui en est le Directeur Général.
«CLAIREMENT LOIN DE LA VÉRITÉ».
Ce dernier qui est le frère aîné du ministre des Finances, est à lête de plusieurs autres sociétés constituées au Congo dont Enerkam, Socimat Motors, Kadland Capital Holdings. Il «a été au capital d’une entité domiciliée en Afrique du Sud, Liyongi Trading», écrit Africa Intelligence.
« Depuis sa signature le 20 décembre 2021, ce contrat (conclu « de gré à gré » et, insiste Africa Intelligence, et sur lequel la loi de régulation des marchés publics ne pouvait s’appliquer) a fait l’objet de quatre décaissements successifs par le ministère des Finances. Les trois premiers ont été virés par le Trésor public pour un total de 7,3 millions de $US, tandis que le quatrième a été effectué en mars par le Bureau central de coordination (BCECO, un bureau du ministère) pour 3 millions de $US, sur instructions de la Vice-ministre des Finances O’Neige N’Sele Mimpa. Selon le décompte de l’IGF (Inspection Générale des Finances, citée par le site Africa Intelligence, ndlr), Sada Motors a ainsi reçu, en l’espace d’une année, plus de 10 millions de $US, soit près des deux tiers du coût total du marché ». Problème, écrit Africa Intelligence : « Malgré la diligence – peu commune – des autorités à régler la facture, le distributeur automobile a, semble-t-il, eu des difficultés à livrer les voitures dans les différentes ambassades. Faute de preuves de leur livraison, les enquêteurs de l’IGF se sont lancés dans un fastidieux exercice consistant à contacter une à une les 36 ambassades concernées. La moitié d’entre elles a répondu, et seulement quatre ont confirmé avoir reçu les véhicules». « Les ambassades de RDC à Washington, Pékin, Madrid et Abidjan ont bel et bien réceptionné les fastueuses automobiles. Les représentations diplomatiques congolaises à Nairobi, Kampala, Buenos Aires ou encore Bruxelles n’ont pas donné suite aux sollicitations de l’IGF. L’ambassade de Paris n’a, elle non plus, pas répondu. Pour cette dernière, le transport de luxe n’est pas vraiment une priorité», écrit encore Africa Intelligence. Ce qui, déclare le ministre des Finances Nicolas Serge Kazadi Kadima-Nzuji au Soft International, est clairement loin de la vérité.
D. DADEI.