François mordant
La visite de François remet le Congo à l’agenda du monde.
N’ayons aucun doute. Ce n’est pas l’étranger qui viendra se battre pour la paix, la sécurité et l’intégrité de notre pays. Même si sous Mobutu en mai 1978 des parachutes français et marocains ont sauté sur Kolwezi pour chasser les ex-gendarmes katangais qui l’occupaient, depuis le démantèlement de l’Union Soviétique, la fin de la guerre froide, les temps ont tellement changé. S’il expédie et continue d’expédier à l’Ukraine des centaines de milliards de $US en liquide, en armes et en matériel, ce n’est pas demain que l’Occident enverra un de ses soldats face à l’armée russe.
Il n’empêche ! Les rebelles du M23 ressuscités et reconstitués comme par miracle au Nord-Kivu et tous les groupes armés qui pullulent, saccagent, massacrent le pays et ses habitants, soutenus par les pays voisins au service de grandes puissances, peuvent aujourd’hui, demain ou pendant le séjour du pape sur le sol congolais, annoncer des victoires militaires, le Congo et Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo ont déjà gagné la guerre.
Avec une centaine de journalistes qui retransmettent en direct sur tous les continents, il n’existe pas un décideur planétaire, en politique ou en finance, qui n’ait été saisi ou touché par les paroles fortes prononcées à Kinshasa par François.
Même si la morale ne constitue pas une donnée majeure dans la définition des intérêts des États, la force des mots employés par le président Tshisekedi, leur récurrence, les opportunités jouent désormais plus que jamais en défaveur des agresseurs, en premier lieu, le Rwanda toujours cité nommément et dont le président Paul Kagame poussé dans ses derniers retranchements, vient de déclarer que «le M23 doit se retirer des territoires qu’il occupe au Congo mais il ne s’agira jamais qu’il se rende au Rwanda».
«LE POISON DE LA CUPIDITÉ ENSANGLANTE».
Aurait-il résolu de leur négocier un asile politique afin qu’ils échappent à la justice et à la réparation des crimes commis ? Nul doute, après cette «guerre de trop» (le Soft International n°1568, daté 12 décembre 2022), le Rwanda aura désormais du mal à avoir la même image dans le monde et dans les médias.
Le Congo, «ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants», déclare le pape, devant la classe politique congolaise, des membres de la société civile, les diplomates étrangers le 31 janvier 2023, à Kinshasa, au Palais de la Nation, la présidence congolaise, peu après son atterrissage.
« Il est tragique que ces lieux, et plus généralement le continent africain, souffrent encore de diverses formes d’exploitation. Après le colonialisme politique, un « colonialisme économique » tout aussi asservissant s’est déchaîné», poursuit ce pape d’Amérique latine qui comprend ce problème mieux que ses prédécesseurs. Puis : «C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés, ils méritent espace et attention : Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique: elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! Que le monde se souvienne des désastres commis au cours des siècles au détriment des populations locales et qu’il n’oublie pas ce pays ni ce continent. Que l’Afrique, sourire et espérance du monde, compte davantage : qu’on en parle davantage, qu’elle ait plus de poids et de représentation parmi les nations !»
Puis : «La République Démocratique du Congo tourmentée par la guerre, continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle».
Puis : «Et tandis que vous, Congolais, vous luttez pour sauvegarder votre dignité et votre intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de fragmentation du pays, je viens à vous, au nom de Jésus, comme un pèlerin de réconciliation et de paix. J’ai beaucoup désiré me trouver ici et je viens enfin vous apporter la proximité, l’affection et la consolation de toute l’Église catholique».
«Courage, frère et sœur congolais Relève-toi, reprends dans tes mains, comme un diamant très pur, ce que tu es, ta dignité, ta vocation à garder en harmonie et en paix la maison que tu habites» (texte intégral en pages 4 et 5).
Il y a ces paroles prononcées dans son mot de bienvenue par le président Tshisekedi avant le discours du pape.
«Au cours de ces trois dernières décennies, cette hospitalité qui nous caractérise a été mise à mal par les ennemis de la paix et les groupes terroristes, venus essentiellement des pays voisins.
Ce malheur qui dure depuis près de trente ans fait aujourd’hui d’une partie de notre territoire en proie à ces violences, une zone en rupture de paix où, outre les groupes armés, les puissances étrangères avides des minerais contenus dans notre sous-sol, commettent, avec l’appui direct et lâche de notre voisin le Rwanda, de cruelles atrocités faisant ainsi de la sécurité le premier et grand défi du Gouvernement. En effet, à la faveur de l’inaction et du silence de la communauté internationale, plus de 10 millions de personnes ont déjà été atrocement arrachées à la vie. D’innocentes femmes, même enceintes, sont violées et éventrées, des jeunes gens et enfants égorgés, des familles, des vieillards ainsi que des enfants condamnés à braver la fatigue et l’épuisement afin d’errer hors de leurs maisons à la recherche de la paix, en raison des exactions commises par ces terroristes au service des intérêts étrangers (…). Je n’ai pas manqué de désigner le responsable et d’interpeller la communauté internationale, lors de ma dernière intervention à la Tribune des Nations Unies, ceci au nom de toutes les Congolaises et de tous les Congolais. Soyez rassuré sur le fait que la République Démocratique du Congo assume et continuera d’assumer ses responsabilités, notamment celle, consistant en la défense de l’intégrité de son territoire avec l’aide de son peuple» (texte intégral en page 6).
T. MATOTU.