Le rapport d’étape des églises catholique et protestante sur l’observation électorale
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1578|lundi 20 mars 2023.
Les deux églises les plus puissantes du Congo en termes de nombre de croyants, à savoir, l’Église catholique et l’Église protestante, ont mutualisé en 2022 leurs moyens, via leurs Commissions Justice et Paix, en vue de conduire en commun une mission d’observation électorale. But de cette mission : «contribuer à la transparence du processus électoral en cours dans toutes ses étapes afin d’accroître la confiance du public audit processus et, par ricochet, contribuer à l’acceptation des résultats par tous, gage de la paix et de la stabilité en RD Congo». Un rapport d’étape daté de mars 2023 explique que cette Mission d’Observation Électorale, en abrégé MOÉ CÉNCO-ÉCC, «est citoyenne, et ses observations s’effectuent sur base des standards internationaux pour les élections démocratiques et le cadre légal congolais».
Pour la révision du fichier électoral du quatrième cycle électoral lancé le 24 décembre 2022 (opération d’identification et d’enrôlement des électeurs) dans la première Aire Opérationnelle, en abrégé AO1, la MOÉ CÉNCO-ÉCC a jugé «constipée» la durée du calendrier planifiée entre le 24 décembre 2022 et le 23 janvier 2023. Un point de vue partagé par nombre d’acteurs socio-politiques, compte tenu des défis logistiques liés à l’acquisition des matériels électoraux et surtout à leur déploiement jusqu’au niveau de 9251 Centres d’Inscription de 9 provinces et la Ville de Kinshasa concernées par cette étape. Dans la synthèse des faits observés par la MOE CENCO-ECC dans l’AO1, on note particulièrement l’appel fait aux Cours et Tribunaux «d’organiser des procès publics voire des audiences foraines afin que les citoyens et les partenaires internationaux soient éclairés sur les conditions dans lesquelles les matériels électoraux sensibles se sont retrouvés entre les mains des individus n’en ayant pas qualité ; de sanctionner sévèrement tous les délinquants à tous les niveaux qui s’y retrouveront impliqués». Ci-après.
I.1. ADMINISTRATION ÉLECTORALE.
Points forts.
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CÉNI) a publié un calendrier électoral ;
– La CÉNI a accrédité tous les Observateurs électoraux de Long Terme (OLT) de la Mission d’Observation Électorale de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo et de l’Église du Christ au Congo (MOÉ CÉNCO-ÉCC) et de certaines autres Organisation en ayant fait la demande ;
– La CÉNI a accordé des périodes de rattrapage, sur demande des autres parties prenantes, après l’expiration des délais impartis pour chaque Aire opérationnelle ;
– Les agents de la CENI étaient généralement ouverts envers les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ;
– La CENI affichait généralement des documents contenant des informations pour le public ;
– Les Bureaux des Antennes, les Centres d’Inscription et les entrepôts de la CÉNI étaient généralement sécurisés par les agents de l’ordre;
– La CÉNI communique de manière proactive ;
– La CÉNI sanctionne ses agents qui se sont méconduits dans l’accomplissement de leurs tâches.
Points à améliorer.
– Faible information sur le rôle des Observateurs électoraux auprès des Agents de Secrétariats Exécutifs Provinciaux (SEP) et des Antennes de la CENI (Ils exigeaient les ordres de missions outre que les cartes d’accréditation) ;
– Circulation des matériels électoraux sensibles entre les mains des individus n’en ayant pas qualité ;
– Les femmes, les jeunes et autres groupes marginalisés étaient faiblement représentés au niveau des SEP et des Antennes de la CÉNI ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont rencontré peu d’observateurs d’autres MOE au niveau des bureaux des SEP et des Antennes ;
– La CENI n’a pas communiqué le budget des opérations électorales et le plan de décaissement signé avec le Gouvernement ; – La publication des statistiques pour les enrôlés de la A01 n’est pas faite par Centre d’Inscription.
I.2. ÉDUCATION CIVIQUE ET PARTIES PRENANTES.
Points forts.
– Les Partis politiques et les médias ont généralement mené des activités de sensibilisation des candidats électeurs;
– La présence des agents de l’ordre lors des activités de sensibilisation des Partis politiques pour encadrer les participants ;
– Les activités menées par les Partis politiques ont connu peu d’incidents ;
– La CÉNI a mené des activités de sensibilisation des candidats électeurs dans les villes et les territoires administratifs; – Généralement, les médias ont fonctionné sans entrave pendant la période d’identification et d’enrôlement des électeurs.
Points à améliorer.
– Les Organisations de la Société Civile (OSC) ont mené peu d’activités de sensibilisation des candidats électeurs ;
– Les activités de sensibilisation des candidats électeurs menées par les Partis politiques étaient généralement partisanes ;
– Peu d’activités d’éducation civique ont ciblé des groupes spécifiques tels que les jeunes, les personnes avec handicap et les peuples autochtones pygmées;
– La CÉNI n’a pas systématiquement mis à la disposition des autres parties prenantes le matériel de sensibilisation qu’elle a produit.
I.3. INSCRIPTION DES ÉLECTEURS.
Points forts.
– Les Centres d’Inscription (CI) ont été généralement installés dans les lieux prévus par la loi;
– Les matériels électoraux étaient généralement disponibles dans les CI trouvés opérationnels ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont généralement eu accès aux CI trouvés opérationnels ;
– Les personnes de troisième âge, les femmes enceintes, les malades ou les personnes vivant avec handicap, les analphabètes avaient généralement bénéficié des mesures exceptionnelles dans les CI ;
– Les candidats électeurs s’enregistraient généralement sur base des documents prévus par la loi ;
– Les CI trouvés opérationnels par les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC étaient généralement sécurisés par les agents de l’ordre ;
– Les femmes et les jeunes étaient généralement bien représentés parmi les Membres de Centres d’Inscription (MCI).
Points à améliorer.
– L’opération d’inscription et enrôlement des électeurs n’a pas eu lieu dans le territoire de Kwamouth (Province de Mai-Ndombe) et certains CI de Bagata (Province de Kwilu), de Maluku (Kinshasa), Bolobo, Mushie et Kutu (Mai-Ndombe) ainsi que dans certains CI de la province de l’Equateur ;
– Les listes journalières n’étaient pas systématiquement affichées dans plusieurs CI. Les OLT ont aussi constaté dans certains CI les listes journalières des inscrits arrachées;
– Les électeurs interviewés n’étaient pas généralement satisfaits de la qualité des services rendus par les MCI notamment la mauvaise qualité de la photo ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont constaté une présence de moins en moins significative des témoins des Partis politiques dans les CI ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont rapporté une faible présence des autres observateurs électoraux dans les CI ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont rapporté plusieurs cas d’interruption de l’opération de l’identification et enrôlement des électeurs, dû principalement au dysfonctionnement des kits d’enrôlement des électeurs, à la rupture de stock des imprimés, et au déficit des sources d’énergie ;
– Les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont rapporté plusieurs cas des CI non existants, non ouverts et non opérationnels ;
– Généralement, les OLT de la MOÉ CÉNCO-ÉCC ont constaté une mauvaise gestion de la file d’attente suite notamment à l’achat des services.
II. RECOMMANDATIONS.
II.1 AU GOUVERNEMENT.
– De décaisser systématiquement les fonds destinés aux opérations électorales conformément au plan de décaissement convenu avec la CENI afin d’éviter de compromettre la mise en œuvre du calendrier électoral et occasionner ainsi le report des élections dont, auquel cas, seul le Gouvernement en portera toute la responsabilité ;
– De renforcer la sécurité dans les zones de conflit, en particulier dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Mai-Ndombe (territoire de Kwamouth), afin de permettre aux citoyens congolais de participer à l’opération de l’identification et enrôlement des électeurs dans la quiétude et éviter de compromettre la mise en œuvre du calendrier électoral et occasionner ainsi le report des élections dont, auquel cas, seul le Gouvernement en portera toute la responsabilité:
– D’assurer convenablement la sécurité du matériel électoral sensible.
II.2. AUX COURS ET TRIBUNAUX.
– D’organiser des procès publics voire des audiences foraines afin que les citoyens et les partenaires internationaux soient éclairés sur les conditions dans lesquelles les matériels électoraux sensibles se sont retrouvés entre les mains des individus n’en ayant pas qualité ;
– De sanctionner sévèrement tous les délinquants à tous les niveaux qui s’y retrouveront impliqués.
II.3. A LA CÉNI.
– De clarifier la question des Centres d’Inscription non retrouvés sur terrain, documentés par la MOÉ CÉNCO-ÉCC. Pour ce faire, la CÉNI peut convoquer un cadre de concertation avec les Partis et regroupements politiques intéressés et les Organisations de la Société Civile ayant publié un rapport d’observation électorale sur la première Aire Opérationnelle (AO1) ;
– D’apporter toute la lumière sur la problématique des matériels électoraux sensibles qui se sont retrouvés entre les individus n’en ayant pas qualité. A cet effet, la CÉNI peut organiser en toute urgence et à tous les niveaux (Secrétariat Exécutif National, Secrétariats Exécutifs Provinciaux, Antennes et Centres d’Inscription) des inventaires des matériaux électoraux sensibles commis à l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs. Elle peut se servir de ses plans de déploiement et de ramassage ainsi que des rapports des stocks ;
– De publier les statistiques des enrôlés par Centre d’Inscription ;
– De continuer à sanctionner ses agents qui se méconduisent dans l’accomplissement de leurs tâches afin de dissuader les mauvaises pratiques ;
– De mettre à la disposition de toutes les parties prenantes les informations liées au financement des opérations électorales et son plan de décaissement signé avec le Gouvernement afin de faciliter le plaidoyer ;
– De renforcer les capacités et la mobilité de ses techniciens afin d’assurer une meilleure maintenance permettant de minimiser les cas de disfonctionnement des kits d’enrôlement déployés dans les CI ;
– De mettre à la disposition des organisations de la Société civile les matériels de sensibilisation de la population qu’elle a produits.
II.4. AUX ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE.
– D’intensifier les activités d’éducation civique des électeurs pendant les opérations électorales ;
– De mettre en place des Missions d’Observation Électorale effectives et professionnelles afin de contribuer à la transparence des opérations électorales.
II.5 AUX PARTIS POLITIQUES ET REGROUPEMENTS POLITIQUES.
– De recruter, former, faire accréditer leurs témoins auprès de la CÉNI et les déployer partout où se déroulent les opérations électorales afin de contribuer à leur transparence ;
– De continuer à sensibiliser leurs sympathisants et membres à s’approprier le processus d’identification et d’enrôlement par l’éducation civique afin de garantir la légitimité du processus engagé.
II.6. AUX CITOYENS CONGOLAIS.
– De s’approprier le processus électoral en cours et de s’enrôler massivement afin d’exercer leur devoir civique lors de l’organisation des scrutins ;
II.7. AUX PARTENAIRES INTERNATIONAUX.
– D’accompagner les initiatives de paix régionales en cours et obtenir la cessation des hostilités dans la partie Est de la RD Congo afin que tous les congolais en $âge de voter reçoivent leurs cartes d’électeurs et choisissent librement leurs dirigeants lors des scrutins prochains.