En Ituri, le gouverneur militaire Luboya et la Monusco poussent les groupes armés à se parler face à face sans intermédiaire

En Ituri, le gouverneur militaire Luboya et la Monusco poussent les groupes armés à se parler face à face sans intermédiaire

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1584|LUNdi 19 JUIN 2023.

Quand un militaire prend la parole en public, cela ne peut que résonner. Le discours prononcé par le Gouverneur militaire de l’Ituri sous état de siège à la cité d’Aru, dans le territoire du même nom, continue de faire parler de lui. Ce fut devant des groupes armés écumant la province depuis de nombreuses années.
Le gouverneur militaire provincial, le Général Johnny Luboya Nkashama avec le soutien des forces de la Monusco, a organisé pendant cinq jours, du 27 mai au 3 juin, un face à face entre groupes armés et il a usé du bâton et de la carotte. « L’idée étaient qu’ils se regardent en face, les yeux dans les yeux, loin de toute influence, loin de toute pression, loin des personnalités politiques et des leaders communautaires et qu’ils se disent la vérité », a déclaré le Général Johnny Luboya Nkashama au Soft International.
Si certains groupes armés n’ont pas répondu à ce rendez-vous, l’un des piliers du P-DDRCS, le Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation, placé sous la haute autorité du président de la République visant à amener les groupes armés à se parler entre eux, les plus groupes armés considérés comme les virulents, CODÉCO, FRPI, FPIC et Zaïre, étaient à cette rencontre, précise le Gouverneur militaire au Soft International.
À l’issue des cinq jours de dialogue, un protocole d’accord a été élaboré et signé par ces groupes armés, une feuille de route mise sur pied. Des documents qui les engagent à cesser toute violence, à se rendre sur les sites de cantonnement pour y être désarmés et démobilisés.
Cette initiative présentée comme un grand moment – « un grand jour ici chez nous en Ituri » par le Gouverneur militaire a été appuyée par les députés provinciaux et nationaux qui ont fait le déplacement d’Aru et qui étaient présents à la cérémonie de remise du protocole d’accord et de la feuille de route. L’évêque du diocèse d’Aru, archevêque de l’Église anglicane du Congo et patron de l’Église Anglicane au Congo, Ande Georges, avait également fait le déplacement.
Le Gouverneur militaire qui avait fait, pour l’occasion, le déplacement de Bunia où il réside à Aru, a particulièrement salué ce chef religieux pour son courage, « là où d’autres se sont opposés voire même ont proféré des menaces envers ceux qui ont rejoint le dialogue ». «Nous voulons encore la paix en Ituri. Cette paix que nous recherchons avec nos vaillants militaires, avec nos chefs coutumiers. Cette paix que nous sommes partis rechercher même à l’étranger, à Naïrobi, au Kenya. Mais cette fois, nous nous sommes déportés à Aru », a déclaré le Général Johnny Luboya Nkashama.
Dans son discours, le Gouverneur militaire a justifié le choix d’Aru, « territoire modèle de la province de l’Ituri, où nous avons cette paix. Nous avons voulu montrer aux Congolais et au monde qu’en Ituri, il n’y a pas seulement la haine, mais il y a aussi la paix, la beauté de la province et que le territoire d’Aru serve d’exemple pour donner la paix aux Ituriens ».

« LA JUSTICE ».
S’il a félicité les groupes armés de s’être retrouvés pour parler entre eux et trouver la voie pour déposer les armes en mettant fin aux violences, le Général Johnny Luboya Nkashama a aussi brandi des menaces consistant à déférer les criminels devant la justice.
« Il y a la justice nationale ; il y a la justice internationale qui va s’occuper des crimes internationaux », a-t-il poursuivi. Puis plus précis encore : « Nous avons des cas documentés ; nous avons des noms. Vous avez entendu le message du procureur de la CPI (la Cour Pénale Internationale de La Haye, ndlr). Il faut documenter ces cas de sorte que les criminels ne s’échappent pas ; que leurs familles aient un jour honte d’eux. Continuez à donner des noms et des précisions. Nous disposons aussi des informations et des enregistrements. Dieu a fait de bonnes choses pour la province », a-t-il poursuivi. «Nous sommes restés avec vous pendant deux ans. Nous avons été l’objet de menaces. Nous sommes encore là. Si un jour, la hiérarchie se rend compte que nous sommes fatigués, nous serons remplacés. Mais le travail se poursuivra ici en Ituri. L’État ne se fatigue pas », s’est encore adressé le Gouverneur militaire à « ceux qui veulent arrêter la joie que ressent la population; qui veulent encore endeuiller la province en décapitant des Ituriens, en violant les femmes, etc. Ils se croyaient malins hier ; ils sont désormais dans le filet…».
Pendant que le dialogue d’Aru se tenait, le Gouverneur militaire se trouvait à Goma, capitale de l’autre province de l’Est, le Nord Kivu, qui vit aussi sous des violences récurrentes et se trouve également sous état de siège. Le Général Johnny Luboya Nkashama s’y était rendu pour préparer, avec le premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, l’arrivée du procureur de la Cour Pénale Internationale, Karim A. A. Khan. La présence de ce procureur au Congo et sa venue en Ituri montrent que la province est désormais inscrite sur l’agenda international, que l’Ituri est devenue désormais « une priorité », a poursuivi le Gouverneur militaire. Qui a appelé avec force les groupes armés «à arrêter de suivre ce diable ou ceux qui veulent jouer au petit diable ; à arrêter avec ces images des violences, des morts récurrentes ».
Puis : « Cette paix que nous recherchons, que nous réclamons, vous ne l’offrez pas à nous, qui allons partir. Vous l’offrez à vos mamans qui en ont besoin ».
Placé depuis le 4 août 2021 sous la coordination nationale d’un ex-rebelle présenté par certains comme un proche du M23, Tommy Tambwe Ushindi, le Programme de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion des anciens combattants dispose d’une feuille de route trimestrielle qui prévoit des consultations régulières de différentes couches de la population en vue de leur appropriation du programme, l’élaboration des outils de travail, des rencontres avec la Monusco comme avec les agences de système des Nations-unies, les chancelleries, les membres du bureau de l’Assemblée Nationale, du Sénat. Des descentes visant à dresser l’état des lieux de la situation des groupes armés ainsi que la mise en place d’un cadre de concertation aux différents niveaux (provincial, local) figurent aussi sur cette feuille de route.
Le P-DDRCS dispose de cinq piliers dont la paix, résolutions des conflits ; le dialogue démocratique et la cohésion sociale; la restauration de l’autorité de l’État par le désarmement; la démobilisation et la réinsertion dans la vie civile des ex-combattants issus des groupés armés ; le relèvement communautaire et la stabilisation. Sa stratégie nationale vise à conduire à l’élaboration d’un plan quinquennal du P-DDRCS et des différents plans opérationnels pour sa mise en œuvre.

DADEI.

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