Finances Nicolas Kazadi Innove

Finances Nicolas Kazadi Innove

Quand le Congo se regarde dans le miroir.

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1586|LUNdi 3 JUIllet 2023.

Il avait décidé de se regarder dans le miroir bien en face. Mieux, Serge Nicolas Kazadi Nzuji avait résolu de pousser les pouvoirs publics à se regarder dans le miroir à chaque année. Depuis son retour en avril 2021 au ministère des Finances cette fois comme ministre, un ministère qu’il avait connu dans une autre vie comme conseiller économique et financier sous trois ministres, chacun de ces trois ministres – Pierre Pay Pay wa Siaghassighe, Gilbert Kiakwama kia Kiziki, Marco Banguli N’sambwe Mbali – l’ayant nommé et maintenu à ce poste, estimant que celui qui était encore « jeune avait quelque chose dans le ventre», Serge Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji a souhaité s’assurer où il en était avec les finances publiques, où en était le pays en matière de développement ; où en étaient les fondamentaux. Il voulait être focus sur ce qui allait et ce qui n’allait pas. «Discuter de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire est essentiel dans le processus de développement socio-économique d’un pays». Ainsi justifie-t-il sa décision accompagné par ses collègues. Comment être si l’on ne se connaît pas ? Comment avancer si on ne sait pas où on se trouve ? « S’évaluer c’est faire montre de volontarisme et de transparence », poursuit le ministre.

Dès le jour d’après où il a été placé au sommet de l’immeuble en verre et en béton du boulevard du 30-Juin, Nicolas Kazadi a voulu s’assurer du cap qu’il a pris et avec lui les secteurs liés au développement. Il s’est adressé à des agences de notation, S&P, Moody’s, Bloomfield. Il s’est investi aussi avec des acteurs économiques locaux par le biais du Baromètre National du Climat des Affaires.

En décembre 2022, Moody’s a reconnu les réformes structurelles menées par le gouvernement congolais, de même que le renforcement de la position extérieure du pays. L’agence a rehaussé la notation du crédit en monnaie étrangère à long-terme la faisant passer de «Ca1» à «B3». Même résultat pour S&P. En moins d’un an, le pays a vu sa cotation rehaussée par deux agences.

 

IMMENSE CONFERENCE.

Début juin, les résultats de la première enquête du Baromètre National du Climat des Affaires notait « en toute transparence » le niveau du climat des affaires vu par les acteurs économiques locaux. Une démarche qui, au fur et à mesure de ses éditions, permet de mesurer l’impact des réformes menées en l’espèce par le pays.

Une autre initiative est attendue en septembre 2023. Elle va permettre de promouvoir l’économie nationale auprès des investisseurs. Avec le concours de la Société Financière Internationale et la Banque africaine de développement, le Kinshasa accueille en effet un forum sur les investissements dans les chaînes de valeur agricoles.

Avec des entreprises privées nationales et internationales mais aussi avec des institutions financières et des partenaires multi et bilatéraux, il s’agira de rechercher la recette susceptible de transformer le potentiel agro-industriel congolais en projets concrets et viables susceptibles de renforcer la sécurité alimentaire, créer des emplois et contribuer à la croissance de l’économie.

« La notation et son contenu sont une illustration de la politique active menée par notre gouvernement, avec une capacité de mise en œuvre des réformes et plans stratégiques, ainsi que l’obtention de résultats concrets », explique le ministre Kazadi pour qui «l’exercice permet de disposer d’éléments de perception du risque du pays avec une volonté d’entamer un exercice de transparence et d’évaluation».

Mercredi 28 juin, une immense conférence réunissant 500 personnalités en la salle Kemesha à Kinshasa, des diplomates, des milieux d’affaires, des membres de la société civile, des membres du gouvernement, l’agence de notation Bloomfield Investment Corporation basée en Côte d’Ivoire, à Abidjan, a dévoilé par son président Stanislas Zeze, et devant le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, son rapport «Risque Pays République Démocratique du Congo 2023».

Un texte de trente-trois pages signé Département Bloomfield Intelligence. En 2022, cette agence avait déjà produit un rapport présenté dans la même salle Kemesha qui «s’inscrivait dans un contexte particulier», explique le ministre Kazadi.

Le pays était à la recherche d’une notation inaugurale.

Ce rapport contenait deux enjeux : la transparence sur les données économiques, financières et sociales et sur les politiques publiques outre une dynamique positive et l’évaluation de ces éléments, par l’obtention d’une notation sur le profil de risque. Le pays obtint une notation de crédit de BBB.

 

«DYNAMIQUE POSITIVE».

Qu’en est-il du rapport 2023 qui examine en fait la situation de 2022 ? Où en est désormais le pays ? Réponse du ministre des Finances après qu’il a lu le rapport Bloomfield : « Notre pays est sur une dynamique très positive et le rapport-risque pays a su montrer une partie importante des richesses de notre pays, de ses réussites et de notre stratégie pour maintenir cette dynamique positive ».

Dans ses commentaires faits devant la conférence avant l’ouverture des panels (performance, diversification économique et climat des affaires, sociétés du portefeuille, agriculture, mines), le ministre Kazadi a en effet constaté avec « satisfaction » que la note globale du pays était passée de 5,1 à 5,5 de 2022 à 2023. «Cette meilleure note est une illustration des efforts menés par le gouvernement pour renforcer l’économie congolaise de manière transversale», a-t-il commenté en relevant trois sous-scores – les performances économiques, la stabilité financière et la gestion des finances publiques – qui ont bénéficié d’une amélioration sur les cinq retenus.

La croissance réelle du PIB a atteint 8,9% en 2022. « Le Congo affiche l’une des économies les plus dynamiques du continent, en parallèle d’une accumulation continue des réserves par la banque centrale, permettant de renforcer la stabilité macro-économique », a poursuivi le ministre qui s’est réjoui de « la stabilité financière », notant que son ministère et la Banque Centrale du Congo «travaillent ensemble pour améliorer l’inclusion financière ; la Banque Centrale du Congo renforce la supervision bancaire et ses capacités d’analyse, efforts qui s’accompagnent de la mise en place d’un cadre réglementaire et financier propice à la stabilité de notre système financier».

Même satisfaction sur la notation de la gestion des finances publiques, qui n’a pas surpris le ministre qui a évoqué « les nombreuses réformes mises en œuvre, en cours et prévues ». Il a dit poursuivre « les efforts en vue d’une amélioration continue de la gestion des finances publiques, à travers la mise en œuvre de notre plan stratégique de réforme des finances publiques 2022-2028 ».

Au total, Serge Nicolas Kazadi s’est dit satisfait de ce rapport « particulièrement pertinent dans sa revue du secteur agricole ». « Au-delà de la reconnaissance du potentiel conséquent du secteur extractif dans le contexte de la transition énergétique, les équipes de Bloomfield se sont intéressées au secteur agricole et ont fourni une revue complète de ce secteur, qui représente une opportunité de croissance économique, de diversification et de diminution de nos vulnérabilités », a déclaré le ministre qui a constaté avec joie «l’importance accordée à ce secteur dans le rapport, qui reflète notre vision pour le secteur ».

Le Congo dispose d’un potentiel agricole et halieutique considérable. « Complètement aménagées, nos terres permettraient de nourrir près de 2 milliards de personnes. Nous avons des efforts à mener pour exploiter ce potentiel et ainsi répondre au défi de l’insécurité alimentaire, en augmentant l’investissement et la productivité de nos cultures. Nous avons un plan pour répondre à ces défis, le Pacte pour l’alimentation et l’agriculture ».

Nicolas Kazadi a noté la reconnaissance de plusieurs autres domaines de réformes et d’efforts menés. Telle la réforme des finances publiques. « Notre plan stratégique de réforme des finances publiques 2022-2028 est une réforme ambitieuse et les équipes de Bloomfield ont raison de souligner l’importance de la mise en œuvre effective du plan. C’est ce que nous avons fait, en multipliant les réformes mises en œuvre, notamment pour améliorer la gouvernance budgétaire, avec la signature du décret sur la gouvernance budgétaire qui a été élaboré avec l’assistance technique du FMI, la création et l’opérationnalisation de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique et la production de la déclaration sur les risques budgétaires; la numérisation des régies financières, avec le déploiement de logiciels tels que Logirad, ISYS-régies ou encore Gesimpôt ou encore la signature du décret portant institution de la facture normalisée et des modalités de mise en œuvre des dispositifs électroniques fiscaux ; la gestion des investissements publics avec la production du projet de décret sur la gestion des investissements publics, d’une feuille de route sur le renforcement de la gouvernance des investissements et la signature d’un arrêté portant modification de l’organisation et fonctionnement de la Cellule de Suivi des Projets et Programmes du ministère des Finance ».

 

« DIRE CE QUE L’ON FAIT, FAIRE CE QUE L’ON DIT ».

Pour le ministre, le rapport Bloomfield « nous permet de dire ce que l’on fait. C’est à nous de suivre en faisant ce que l’on dit. C’est ce qui a été fait par la mise en œuvre effective de ces réformes des finances publiques ; il est riche en informations qui vont au-delà des simples considérations quantitatives. Une source riche d’informations sur les stratégies menées par notre gouvernement pour le développement socio-économique du pays».

Extraits des commentaires du ministre : « Le climat des affaires est l’une de nos priorités clés. Le rapport reconnaît les efforts effectués dans ce sens. La Création du Guichet Unique de Délivrance du Permis de Construire ; la suppression de taxes jugées arbitraires ; la mise en place du Baromètre National du Climat des Affaires ; la soutenabilité de notre endettement, reconnue par l’ensemble de nos partenaires, est soulignée dans le rapport et constitue une force certaine pour notre croissance. Nous bénéficions effectivement d’un endettement peu élevé, tel que mesuré par son ratio sur PIB, à 16% à fin 2022. Les conditions de notre endettement sont également particulièrement favorables, avec des maturités longues et des taux d’intérêt bas. Ces caractéristiques présentent une aubaine particulièrement rare en Afrique : nous avons une capacité d’endettement nous permettant d’investir dans notre économie sans mettre en péril notre stabilité financière. Toutefois, cela est fait avec prudence et responsabilité : nos nouveaux endettements se font à des conditions favorables, pour des projets prioritaires et à haut rendement. Enfin, les efforts de notre gouvernement en termes de développement social, sous l’égide de SEM le Président de la République, sont également présentés dans le rapport: l’investissement dans les infrastructures sociales pour une croissance inclusive et équitable, notamment par le Plan de Développement Local des 145 territoires, avec une première phase en exécution ; l’amélioration du système éducatif, reconnue par les équipes de Bloomfield, grâce à la politique de gratuité de l’enseignement primaire, la progression du financement de l’éducation, la sensibilisation en faveur de l’enseignement national. Je note toutefois que, malgré l’ensemble des efforts menés dans le secteur social, l’agence a légèrement abaissé la note de risque socio-politique. Je crois fermement que l’ensemble de nos efforts continueront de porter leurs fruits pour alimenter la réalisation de nos objectifs de lutte contre la pauvreté et de développement social. Notre pays est sur une dynamique très positive depuis plusieurs années, sur les plans économique et financier, mais également social et politique. Cette année sera l’occasion de prouver la poursuite de cette dynamique positive, avec des élections tenues conformément aux échéances électorales annoncées. Je crois donc que le rapport de l’année prochaine verra une amélioration de notre score socio-politique.

Toutefois, je souhaiterais apporter ma vision et apporter des compléments sur plusieurs points sur lesquels le rapport reste bref. Plusieurs points pourraient selon moi être développés. Telle l’importance du développement durable comme pièce de notre stratégie de développement : SEM le Président de la République accorde une importance significative au rôle à jouer par notre pays dans la lutte contre les changements climatiques, qualifiant notre pays de «pays solution», grâce à nos ressources : nos minerais, essentiels à la transition énergétique ; notre potentiel halieutique, source conséquente d’énergie bas carbone, puisque nous bénéficions des ressources du fleuve Congo, dont le débit est le deuxième plus grand du monde, après l’Amazone ; notre capacité de stockage de carbone, grâce à nos forêts, qui font partie du deuxième massif forestier tropical du monde. La diversification du secteur des mines, sur deux plans. D’un côté, la transformation locale de nos minerais, et en particulier le projet de production de précurseurs de cathodes en RDC, qui fera certainement l’objet de nombreuses discussions lors de la conférence ; de l’autre côté, la diversification des minerais produits en RDC, avec le développement du secteur aurifère, de celui des diamants, des minerais appelés 3T (coltan, étain et tungstène) ou encore le lithium, avec une poursuite renforcée des efforts de recherche géologique. Les efforts menés dans le domaine du renforcement de la supervision bancaire : la nouvelle loi bancaire, promulguée en décembre 2022, renforce singulièrement la stabilité financière et la capacité de supervision bancaire par la Banque Centrale du Congo, avec des réalisations telles que l’attribution claire de la responsabilité de la supervision bancaire à la BCC; le renforcement des dispositions macro-prudentielles, avec l’exigence pour les banques d’adhérer à un système de garantie des dépôts; l’exigence pour les banques d’élaborer un plan préventif de redressement ; l’accumulation historique de réserves internationales. Dans le cadre du programme avec le Fonds Monétaire International, la position extérieure du pays a été renforcée, notamment par l’accumulation de réserves à un niveau international. Tandis que le rapport mentionne les données à fin 2022, permettez-moi de préciser que le niveau de 4,4 milliards de $US à fin 2022 est six fois plus élevé que le niveau d’il y a deux ans (709 millions de $US) et représente donc une hausse historique, qui est le résultat de notre politique économique et financière, de notre accord avec le FMI et de la gestion des réserves par la Banque Centrale du Congo. Enfin, le dialogue ouvert avec nos partenaires internationaux. Tel le renforcement de la relation avec le Fonds Monétaire International (dont le Conseil d’administration se réunissait le même 28 juin pour approuver la conclusion de la 4ème revue de notre accord au titre de la Facilité Élargie de Crédit, qui devra mener à un cinquième déboursement de 203 millions de $US, laissant seulement deux revues avant de compléter un accord avec le FMI pour la première fois de notre histoire) ; l’accroissement significatif des financements de la Banque mondiale, qui a atteint des montants historiques, avec un montant total signé depuis 2021 dépassant les 2 milliards de $US et l’approbation de deux appuis budgétaires en 2022 et 2023, de respectivement 250 millions de $US et 500 millions de $US; l’appui renforcé de la Banque africaine de développement, avec laquelle nous collaborons notamment dans le cadre du Pacte pour l’alimentation et l’agriculture; le renforcement de la coopération régionale, notamment dans le secteur minier avec le Botswana et la Zambie, respectivement pour développer le secteur du diamant et pour la transformation locale des minerais; le développement de nos relations diplomatiques internationales».

Il a cité divers moments importants : visite en Chine du Chef de l’État congolais ; celle à Kinshasa du président français Emmanuel Macron et des personnalités de l’UE ou du Secrétaire d’État américain Anthony Blinken ; signature de partenariats avec les Émirats Arabes Unis et le Japon dans le secteur minier ; organisation d’événements régionaux (Sommet de la SADC, etc.) et internationaux (Jeux de la Francophonie, Pré-COP27).

 

D.DADEI.

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