Des questions après le procès des kidnappeurs

Des questions après le procès des kidnappeurs

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1587|LUNdi 10 JUIllet 2023.

La sentence est tombée dans la nuit du 6 au 7 juillet. Une trentaine de kidnappeurs jugés depuis mercredi 5  ont été condamnés à la peine de mort par le tribunal de Grande Instance de Kinshasa. La peine a toutefois été commuée à la condamnation à perpétuité pour les malfrats accusés de répandre la terreur dans une capitale congolaise peuplée de plus de seize millions d’habitants par des actes d’enlèvement à bord des taxis, un phénomène qui a explosé.

La peine de mort est prononcée dans les cours et tribunaux congolais, mais elle n’est plus appliquée depuis deux décennies. Le Congo est signataire du moratoire sur l’abolition de cette expression pénale, la plus forte au monde.

Les juges ont retenu contre eux des infractions de vol qualifié, de coups et blessures, d’enlèvement, de tentative de viol, d’extorsion et d’association des malfaiteurs. Ni leurs aveux, ni leur coopération n’ont impressionné les juges. Comme requis par le procureur, la peine de mort a été prononcée contre la totalité des accusés à la grande satisfaction des victimes même si leurs avocats ont un goût d’inachevé.

«La vraie question consiste à savoir qui sont les complices de ces malfrats au sein des services de sécurité et au sein de la magistrature», se demande Me Joël Kitenge interrogé par Rfi. Eux-mêmes disent « nous connaissons ceux qui collaborent et nous mettent en liberté une fois appréhendés». Pourquoi ne pas aborder la question et pourquoi le ministère public se retient d’aborder cette question ? Et ça, c’est une inquiétude parce que l’objectif est que ce réseau soit réellement démantelé ».

Même réaction dans les rues de Kinshasa.

Un conducteur de taxi-moto, Justin Kembo, trouvé sur l’avenue de Libération (ex-24 Novembre), fait état de son scepticisme.

«Je ne crois pas trop à cette condamnation à mort. La justice n’a pas bien fait son travail parce que jusque-là on ne sait pas qui sont les commanditaires de ces enlèvements. Je ne pense pas que ces criminels agissent de leur propre gré. Il y a certainement des personnes derrière ces actes », déclare-t-il.

Et un juriste d’en dire plus : « Je n’aime pas du tout la procédure de flagrance parce qu’elle amène au procès bâclé. On n’a pas laissé au ministère public le temps de réunir suffisamment d’éléments susceptibles d’organiser un procès digne de ce nom. Les juges se sont contentés des déclarations faites par les plaignants ».

Le procureur lui s’est déclaré satisfait du jugement rendu en se défendant d’avoir esquivé le nœud du problème, ces complicités dénoncées dans les rangs des forces de sécurité. « Ça doit servir de leçon à tous ceux qui croient que leurs actes demeureront impunis, explique Edmond Isofa. On a donné la parole à chacun des prévenus, personne n’a donné les éléments de cette prétendue complicité. En revanche, nous avons l’obligation en tant qu’officier du ministère public de protéger les agents d’infiltration. Ça, c’est une obligation légale. »

Si elles n’espèrent pouvoir toucher un jour les réparations financières ordonnées par les juges, les victimes, à l’instar de Tatiana, veulent que leurs bourreaux purgent au moins leurs peines. « En les accusant publiquement ici, nous avons mis nos vies en danger. Ils nous ont même menacés en public. Que deviendrons-nous demain s’ils sont relâchés par leurs complices magistrats ? Nous comptons sur l’exécution de cette peine. S’ils sortent, ils vont nous tuer ».

Les condamnés ont été amenés en prison à bord des blindés de la police. Leurs avocats n’ont pas souhaité s’exprimer.

 

Diverses réactions.

« Ces kidnappeurs nous ont rendu la vie difficile surtout lorsque nous quittons la maison le matin très tôt pour vaquer à nos occupations quotidiennes. Grand merci à la justice congolaise pour cette condamnation à mort. Ils ont mérité cette sentence parce que la vie humaine est sacrée. On ne peut la vendre comme de la marchandise. Ces kidnappeurs ont tué beaucoup de personnes. Leur place c’est à la prison», s’est confiée Jennifer Lawrence,  vendeuse de pains dans la commune de Lingwala selon ce qu’en rapporte l’agence congolaise de presse, Acp. « C’est une bonne décision parce depuis que ce phénomène de kidnapping a pris de l’ampleur, nous n’avons plus de clientèle. Les gens ont peur de monter à bord d’un taxi craignant d’aller à un piège. Que la justice congolaise fasse son travail. Ces criminels méritent d’être condamnés », a surenchéri un chauffeur de taxi, rapporte la même source.

«La justice élève une nation. Elle a tranché. Nous ne pouvons qu’acclamer. Ils ont donné la mort à des personnes humaines. Ils méritent la mort », a déclaré Loïc Tuluka non autrement identifié. Un point de vue rejoint par un autre intervenant du nom de Gloire Matondo.

« Ils méritent vraiment la mort et pas avec les fusilles. Ils doivent souffrir comme ils ont fait les autres », explicite la dame.

Selon la PNC, ces bandits qui opèrent avec des motos et  voitures communément appelées «Ketch» sont spécialisés dans le vol, le kidnapping, l’extorsion et meurtre. Ils ont été arrêtés avec trois voitures de marque Toyota IST, 7 motos, 5 machettes, une arme AK 47, une cisaille et une cagoule.

L’arrestation de ces kidnappeurs est le résultat des opérations menées par les forces de l’ordre depuis l’annonce par le commandant de la police ville de Kinshasa, le commissaire divisionnaire Sylvano Kasongo, des mesures de sécurité prises par les autorités, le 12 juin, lors d’une parade organisée au stade des Martyrs de la Pentecôte.

Ces mesures ont été renforcées par le ministre provincial de l’Intérieur, Gratien Tsakala, qui a également procédé à la sensibilisation des chauffeurs de taxis et motocyclistes, au respect des décisions prises, notamment le respect des nombres de passagers à bord et l’affichage du numéro d’identification.

ALUNGA MBUWA.

 

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