Félix Tshisekedi mis face aux questions du pays profond
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1587|LUNdi 10 JUIllet 2023.
Dans une interview accordée samedi 8 juillet à sa porte- parole Tina Salama, diffusée sur les ondes nationales Rtnc, le président de la République a répondu à des questions que des Congolais lambda lui avaient posées.
Sur la justice par exemple, il a été très dur : « S’il y a un bémol à mettre sur mon bilan, ce que je ne suis pas satisfait du bilan dans le domaine de la Justice. J’ai beaucoup compté sur le pouvoir judiciaire. Comme on le dit dans la Bible, la Justice élève la nation. Malheureusement dans notre cas, la Justice détruit notre Nation. J’ai tout mis en œuvre pour essayer de faire comprendre, surtout aux chefs d’institutions ma vision, mais malheureusement, je n’ai pas l’impression que nous sommes sur le même diapason ». Il reconnaît néanmoins que parmi les acteurs de la justice, il y a de braves femmes et de braves hommes.
Il insiste : « L’impression est que tout le monde semble être dépassé par la force du mal ». Il nie toute implication dans les démarches visant l’arrestation ou la libération de certaines personnes.
« Nous récoltons souvent la critique de l’opinion de manière injuste. Si j’étais dictateur, ceux qui disent cela ne seraient pas ici au Congo. Je sais que je ne peux jamais devenir dictateur. Je déteste la dictature. Je suis un démocrate rompu ».Par exemple, lorsqu’on met quelqu’un en prison de façon préventive, en attendant son jugement, et qu’on le libère après, on pense toujours qu’il y a l’intervention de l’État. Je peux vous le dire devant Dieu, je ne suis intervenu dans aucun cas de ce pays pour demander l’arrestation ou la libération de quelqu’un, jamais. Parce que je veux que la justice soit indépendante », a-t-il juré. « Je crois que nos institutions doivent être libres d’exercer leur pouvoir sans contraintes venant de la hiérarchie. Je pense que cette justice a besoin des réformes », a-t-il poursuivi.
Pas de rupture avec Kigali.
Le 7 octobre 2022, lors d’un Conseil des ministres, il avait dénoncé des comportements de certains acteurs judiciaires ainsi que certaines actions ou décisions judiciaires à la limite du hasard.
Il avait évoqué la rationalisation de l’action de la justice dans le renforcement de la gouvernance publique et de l’État de droit.
Il avait indiqué qu’au regard du dysfonctionnement relevé tant pour ce qui concerne la justice pénale, la justice civile ou administrative, le Conseil supérieur de la magistrature devrait se mobiliser pour relever efficacement les défis de la régulation administrative et disciplinaire de la magistrature.
Sur le Rwanda, il dit être opposé à la fin des relations diplomatiques, en espérant néanmoins à des sanctions contre le régime Kagame.
Il demande à ses compatriotes de «dissocier le peuple rwandais du régime de Kagame. C’est plutôt celui-ci qui est à la base de l’insécurité qui prévaut dans la partie Est de la République Démocratique du Congo (…). J’ai toujours eu l’approche différente de certains de mes compatriotes que je trouve extrémistes. Mais, je comprends leur sentiment. Il faut toujours faire la part des choses entre le régime Kagame et le peuple rwandais. Le peuple rwandais est un peuple frère. Ce peuple restera toujours aux côtés de la RDC. Pourquoi rompre les relations avec ce peuple? », s’est-il interrogé.
À l’en croire, « la rupture diplomatique ne servira à rien. Les peuples congolais et rwandais sont condamnés à vivre ensemble pour toujours. Ça n’aura aucun sens, d’abord parce qu’il y a déjà des mariages qui se sont faits. Il y a des échanges économiques, commerciaux qui se font. C’est impossible de rompre diplomatiquement. Vous le faites, vous condamnez des centaines, des milliers voire des millions de gens à la famine à cause d’un individu et de son régime. Je ne crois pas que c’est la solution, celle de rompre les relations diplomatiques. Je pense simplement que nous devrions continuer à mettre la pression diplomatique sur le régime de Kagame. C’est en train d’ailleurs de fonctionner. Rappelez-vous jusqu’au mois de mars, on entendait encore des coups de feu sur la ligne de front là bas. Aujourd’hui, il n’y a plus de coups de feu. Pourtant, ils avaient cette habitude de tirer sur nos positions et, aujourd’hui, ce n’est plus le cas, c’est la preuve que ça marche ». Puis : « Aujourd’hui, il y a des rapports d’experts qui démontrent clairement que les RDF (l’armée rwandaise) sont au Congo en train d’appuyer cette cohorte terroriste du M23 afin de déstabiliser notre pays. Je crois simplement en la diplomatie plus notre propre dissuasion en préparant nos troupes parce que les Rwandais, cette armée, n’a profité que des faiblesses qui sont les nôtres. Ce n’est pas qu’elle est brave ou plus téméraire que la nôtre, rien du tout».
Il souligne que la guerre contre le Rwanda reste la dernière option.
« Les Congolais doivent à prendre à nous faire confiance. Vous avez entendu les prophètes de malheur qui ont souhaité la chute de Goma. Goma n’est pas tombé et Goma ne tombera pas (…). Vous savez, la technologie aujourd’hui nous permet d’être présent à plusieurs endroits en même temps ou à des endroits sans être là forcément. Il y a toujours une perception que vous avez lorsque vous aspirez à une fonction par rapport à lorsque vous êtes dans la fonction. Évidemment, devant le malheur de nos compatriotes à l’époque lors de la campagne électorale, je me suis dis : je viendrai m’installer ici mais lorsque j’accède à la fonction, je me rends compte qu’en tant que Commandant Suprême des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, je n’ai pas besoin d’aller m’installer là-bas à Goma pour que les choses marchent ».
Puis : « Aujourd’hui grâce à nos acquisitions, je peux, de mon QG, suivre en temps réel des combats sur le terrain avec son et image», a-t-il expliqué.
Il n’est pas un dictateur.
Il a réagi aux accusations selon lesquelles, il utiliserait les méthodes dictatoriales et répressives contre l’opposition à quelques mois de la tenue des élections. Il a fermement rejeté toutes ces accusations et a rassuré qu’il ne prendrait jamais la voie de la dictature comme c’est le cas dans d’autres pays de la région.
« Je tiens à vous dire que je ne serai jamais dictateur. La preuve est que si j’étais dictateur ceux qui le disent ne seraient pas ici au Congo pour le dire. Je ne vais pas vous donner d’exemples des pays, mais regardez un peu tout autour de nous, le pays auquel vous pensez, si un opposant de ce régime peut dans ce pays parler de la dictature. Donc c’est vous dire que s’ils peuvent le dire ici et rentrer chez eux dormir tranquilles, cela veut dire que ce n’est pas vrai ».
Il indique qu’il est plutôt engagé à lutter contre l’anarchie qui tend à se confondre avec la démocratie dans le pays.
« Mais en même temps, il ne faut pas confondre démocratie et anarchie, moi, j’ai passé les 3/4 de ma vie à me battre contre la dictature, contre les injustices et pour les libertés. Mais, jamais je n’ai pris la liberté d’organiser la déstabilisation du régime que je combattais. Nous avons eu des tas d’occasions d’embrasser la lutte armée. Nous avons toujours refusé cela grâce à la clairvoyance de notre leader Étienne Tshisekedi, d’heureuse mémoire, qui refusait un tel chemin, parce que c’est un chemin parsemé de beaucoup d’inconnus. Preuve ? Rgardez l’AFDL qui est arrivée arme à la main en disant qu’ils venaient débarrasser le pays de la dictature du Maréchal Mobutu alors que nous, nous étions déjà engagés dans un processus pacifique de démocratie qui nous amenait tout doucement vers les élections. Ils ont mis le Maréchal Mobutu dehors mais ils arrivaient avec devant, des armées étrangères, qui ont scellé d’ailleurs le début de nos malheurs qui continuent jusqu’à ce jour, parce que l’AFDL était venue avec des armées étrangères et a pu même placer un étranger à la tête de nos forces armées ».
Il a réitéré sa détermination à barrer la route à tout individu qui tenterait de troubler la quiétude du peuple congolais en recourant à des moyens obscurs pour conquérir le pouvoir. « Nous ne pouvons pas nous inscrire dans cette logique, et tout individu qui viendrait avec ces genres d’intentions, nous n’allons pas continuer de parler de démocratie, ça c’est l’anarchie, il faut le traiter en anarchiste. C’est ça que je disais, je ne vais pas le changer. Je suis garant de l’unité, de la stabilité, de la paix de ce pays. Tant que dans un coin de cette République il n’y aura pas de paix ou que la paix sera troublée par des individus avides de pouvoir et n’importe quel pouvoir, ils me rencontreront sur leur chemin, et advienne que pourra. On peut dire ce qu’on veut, moi je me connais, je sais que je ne peux jamais devenir dictateur parce que je déteste la dictature, tous ceux qui me connaissent savent que je suis un démocrate », assure-t-il. Il dit avoir toujours travaillé pour protéger les acquis de la démocratie dans le pays.
Mais son « plus grand regret c’est la fin de la coalition FCC-CACH».
Il fait part « de la montée en puissance de nos forces armées», ajoutant que « l’étau se resserre autour des rebelles du M23 ». « Ces derniers commencent à être à bout de souffle à la suite d’une diplomatie agissante de la République Démocratique du Congo ».
Il a fait part de «la plus grande satisfaction de mon mandat : la gratuité de l’enseignement».
D.DADEI.