Le coup de griffe du Premier ministre contre ses ministres

Le coup de griffe du Premier ministre contre ses ministres

Il aura laissé pantois bon nombre d’observateurs de la scène politique congolaise. Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba n’avait pas, par exemple, besoin, de prendre un vol pour le Katanga, à deux heures de la Capitale Kinshasa,parcourir une trentaine de kilomètres depuis l’ex-capitale du cuivre, prendre du temps à attendre à la ferme de Kashamata en vue de rencontrer l’ex-président de la République Joseph Kabila, muni d’un ordre de mission. Et quelle mission : un colloque singulier avec le sénateur à vie, lui poser son problème, revenir dans la Capitale sa réponse en mains, la livrer aux Congolais…
S’il avait vraiment besoin d’avoir une conférence call avec lui, pas besoin d’un déplacement physique. Pour un Chef de Gouvernement, il doit exister des lignes téléphoniques sécurisées…
Le taiseux Sylvestre Ilunga Ilunkamba dont le Congo et le monde retiendront qu’il n’avait jamais su communiquer, prendre contact et le maintenir, tout au long de son année et demie passée à l’Hôtel du Conseil, n’avait jamais pu se rendre nulle part ailleurs sauf dans son Katanga natal – hormis deux sympathiques petites virées en fin de mandat dans le Kwango où il s’est déplacé avec son fauteuil et dans le Kongo Central – a surpris tous en donnant un coup de griffe à ses ministres quand il prend brièvement la parole au pied de l’escalier du Palais de la Nation, sur ce tapis rouge sur lequel il marche pour la dernière fois. Le (désormais) ex-Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba basculé sur le régime des affaires courantes fait part, le cœur gros, la, parole trébuchante, pour la première fois, de sa démission qu’il vient de remettre au Président de la République qui avait tant hâte de la recevoir et d’accuser réception.
Alors qu’il continue de contester les prérogatives du bureau d’âge à organiser une plénière pour l’entendre – et devant laquelle il refuse de se présenter – il dit néanmoins avoir tiré les conséquences de la situation politique et décidé, « en toute responsabilité et conformément à la Constitution de notre pays, de présenter la démission de son Gouvernement au Président de la République, Chef de l’Etat ».
Puis : « Je saisis cette occasion pour remercier, au nom de mon Gouvernement, le Président de la République, Chef de l’Etat, de la confiance qu’il nous a témoignée dans le cadre de notre Accord de Coalition qui a permis à notre pays de connaître, pour la première fois, une alternance pacifique du pouvoir ». Il loue la qualité de la relation qu’il a entretenue avec le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo sans convaincre personne. «En ce qui me concerne personnellement, en dépit des circonstances actuelles, je saisis cette occasion pour remercier le Président de la République, de la confiance et de la cordialité qui ont caractérisé nos relations au cours des 15 derniers mois durant lesquels j’ai été Premier Ministre». Il n’oublie l’autorité Le désormais ex-Premier ministre n’oublie pas l’Autorité Morale du FCC pour laquelle il a une pensée, en cette minute historique et solennelle. « Mes remerciements, last but not least, à Son excellence Joseph Kabila Kabange, Président Honoraire de la République Démocratique du Congo, qui avait proposé mon nom comme candidat Premier ministre, ce qui m’a permis de servir le peuple congolais à cette haute fonction».
Puis, le venin étant dans la queue, il délivre un percutant uppercut contre ses ministres qui l’ont quitté et ont traversé la rue, avec armes et bagages, et déjeunent chez le voisin : « Comme l’a dit un célèbre chansonnier (Charles Aznavour qu’il ne cite pas), je cite : «il faut savoir quitter la table quand elle est desservie». Mais, je ne vais pas quitter la table desservie chez moi pour aller continuer à manger chez le voisin». Katangais, Ilunkamba est semblable à ce cheval guerrier et furieux qui, avant de s’en aller paître ailleurs, règle tous ses comptes contre ceux qui l’ont trahi, après avoir longtemps partagé le déjeuner avec eux. «Flic et journaliste, c’est comme chien et chat, c’est comme flic et avocat aussi. Ça s’attire, ça se respecte, ça se cajole ; jusqu’au coup de griffe qui laisse des cicatrices» (Hervé Jourdain, Le Sang de la trahison, éd. Fayard, 2013).
Qu’en reste-t-il d’essentiel : un réel aveu d’échec. Ilunkamba est comme Kabila. Tous les deux ont été roulé dans la farine. Affaire terminée, il faut avancer…
D. DADEI.

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