Quand le commerce maritime congolais veut se réinventer

Ceux qui ont récité, à l’école primaire, la fable «le corbeau et le renard» comprendront. PCA des LMC, Lignes maritimes congolaises, Lambert Mende Omalanga a pris de court, le DG Cedrick Tshizayana, pour annoncer le prochain déplacement à Boma, du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour la réception de nouveaux navires de l’entreprise.

La dernière unité flottante de l’ex-CMZ, Compagnie Maritime Zaïroise débaptisée CMDC, Compagnie maritime du Congo en 1998 puis, en 2009, LMC, Lignes maritimes congolaises remonte à il y a un peu plus de 25 ans.
La compagnie comptait du temps de Mobutu, une vingtaine de navires qui seront soit vendus soit confisqués à l’international.

LE PAQUEBOT DE RAÏS, UN POISSON D’AVRIL.
Et pourtant, les Congolais ont encore en mémoire l’effigie de l’ancien président de la République Joseph Kabila superposée sur un grand navire, type paquebot, qui dominait des panneaux publicitaires dans les principaux carrefours de la capitale au lendemain des élections controversées de 2011.
Mais Les LMC n’ont même pas reçu un dromon. Ainsi, faute de volonté politique ou par souci de sauvegarde des intérêts personnels chez les privés expats, les cadres du LMC ont résolu, pour survivre, de louer, dans le cadre d’un partenariat avec le Belge Marinvests, des navires au coût de 10.000 US$/jour, a-t-on appris.
En d’autres termes, les LMC dépenseraient 150.000 US$ à chaque voyage Anvers-Boma-Matadi.
L’armateur public organise deux rotations par mois. Bientôt ce nolisement appartiendra au passé. La compagnie maritime publique va acquérir des navires polyvalents multipurpose pouvant être utilisés aussi pour la pêche.
Les LMC envisagent de diversifier ses lignes d’exploitation. Dans le viseur : l’Afrique du Sud, la côte ouest-africain, le Moyen et Extrême-Orient… le trafic méditerranéen. Mais ces axes sont dominés par des majors dont CMA, PIL, Maersk avec qui le DG Patient Sayiba de l’OGEFREM, Office de gestion du fret multimodal a préféré signer des accords de partenariat. Les LMC sont actuellement en campagne de séduction auprès des entreprises d’import-export de la place pour gagner leur préférence. L’ex-CMZ taxe, en effet, un container de 20 pieds (soit 28 tonnes environ), 40 US$, celui de 40 pieds 80 US$, voiture et minibus 20 US$, voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…) 35 US$ ; engins lourds et de génie civile, 70 US$ l’unité. Pour ce qui est des hydrocarbures, les LMC taxent le mètre-cube à 2 US$, les produits miniers exportés, 2 US$ la tonne, tout comme le cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.). Mais les LMC font face à une rude concurrence de géants mondiaux du secteur qui cassent souvent les prix sur les lignes de Matadi et Boma.
Aux Lignes maritimes, on fait comprendre que les droits de trafic visent les revenus que le transporteur tire de son activité sur le domaine maritime national.
Or, les multinationales demeurent à l’étranger et privent le Congo de tout profit sur ces droits. Les devises générées par le commerce extérieur échappent donc au circuit économique national, d’autant plus que les droits de trafic constituent une rétribution pour jouissance d’un droit patrimonial appartenant à la RDC, en l’occurrence l’espace maritime.
Dans la Charte africaine des transporteurs maritimes adoptée en 2010 ainsi que dans les différentes assises internationales sur le commerce maritime, il est recommandé, selon les experts, que le transporteur maritime participe au développement du secteur maritime des pays où il escale, spécialement lorsqu’il s’agit d’un pays en développement. Sous d’autres cieux, les droits de trafic sont nommés «redevance armatoriale» ou «shipping royalty» ou encore «commission de développement du secteur maritime». Hélas, les majors précités ignorent superbement cette disposition, selon ce cadre des LMC qui appelle les opérateurs import-export r-dcongolais à l’amour du Congo. Expert maritime, auteur du Guide de la conteneurisation et du transport multimodal (2011, Accra, éd. Shipping Guides), Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public face aux enjeux internationaux actuels.
«Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale», note-t-il.
Et d’ajouter : «Les armements africains tels que BlackStars du Ghana, l’ex-CMZ de l’ancien Zaïre, SITRAM de la Côte d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés car n’ayant pas été capables de sortir la tête hors de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes. Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant de l’Afrique».
L’expert maritime r-dcongolais relève que le commerce international se réalise à 80% par voie maritime. Les biens produits dans certains pays du monde sont transportés à l’aide des navires vers les pays de consommation.
D’où tout l’intérêt de la conteneurisation. «C’est une activité qui consiste à transporter les marchandises au moyen des conteneurs par voie routière, maritime ou par la navigation intérieure. La conteneurisation permet donc le transport multimodal des marchandises: les différents modes de transport peuvent être combinés pour réaliser le transport porte à porte», note-t-il. Les LMC affichent son ambition de passer dans le multimodal.
Après le transport maritime et routier encore timide et limité à quelques camions-citernes, l’ex-CMZ vise désormais la voie ferrée.

POLD LEVI MAWEJA.

 

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