L’Afrique du Sud dans l’embarras

L’Afrique du Sud dans l’embarras

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1579|LUNDI 3 AVRIL 2023.

Embarras ! Grand embarras ! L’arrêtera ? L’arrêtera-t-elle ? Face au mandat d’arrêt délivré contre Poutine, quelle va être la réaction de l’Afrique du Sud qui s’apprête à abriter un sommet des BRICS, l’organisation qui regroupe cinq grandes puissances émergentes du monde, Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du Sud ?
Les dirigeants sud-africains seront-ils contraints d’arrêter le président russe Vladimir Poutine en respect de ses obligations vis-à-vis de la justice internationale ? Pour le principe, s’il venait à mettre les pieds en Afrique du Sud, les autorités auraient pour obligation de l’arrêter : le pays est signataire du statut de Rome. Attendu au tournant, le gouvernement de Cyril Ramaphosa tente s’éviter un embarras. Depuis le lancement le 17 mars par la CPI, la Cour pénale internationale d’un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour crimes de guerre présumés en Ukraine, tous les regards se tournent vers l’Afrique du Sud. Une question revient avec insistance : le président russe attendu le 24 août 2023 en marge des travaux du XVe sommet des BRICS sera-t-il livré à la justice internationale ? Ce déplacement du chef du Kremlin reste pour l’heure hypothétique et la diplomatie russe maintient le suspense. Mais le sujet est l’objet de crispation au sein du pouvoir sud-africain.
L’Afrique du Sud, dont la position de neutralité vis-à-vis de la guerre en Ukraine agace les Occidentaux, aurait sans doute préféré ne pas avoir à choisir entre le respect de ses obligations internationales en tant que nation signataire du traité fondateur de la CPI et la préservation de son amitié maintes fois revendiquée ces derniers mois avec Moscou.
Depuis quelques jours, les autorités tentent ainsi de ménager les susceptibilités en rappelant à la fois la position de non-alignement de l’Afrique du Sud sur le conflit russo-ukrainien et son attachement au principe de la légalité en tant qu’État. Des tractations sont par ailleurs en cours afin d’anticiper les éventuelles implications d’une prochaine décision du pays sur le sujet. « Nous attendons un avis juridique sur la question», a indiqué la ministre des Affaires étrangères Naledi Pandor, à la SABC, la télévision nationale, la semaine écoulée, expliquant que cette question est «évidemment un sujet de préoccupation».

LE PRÉCÉDENT OMAR EL-BÉCHIR.
Preuve du caractère sensible de l’affaire, le parti au pouvoir, ANC, refuse de se prononcer, préférant refiler la patate chaude au gouvernement. Il a cinq mois pour trouver une solution. Quant à l’opposition, l’Alliance démocratique, premier parti d’opposition et soutien du peuple ukrainien, appelle le président Cyril Ramaphosa à simplement empêcher la venue de Vladimir Poutine. À l’opposé, le parti radical des Combattants pour la liberté économique se dit prêt à accueillir Poutine les bras ouverts. « Nous connaissons nos amis, nous connaissons qu’ils nous ont libérés », a déclaré le leader du parti, Julius Malema.
Selon de nombreux observateurs, l’option d’empêcher Vladimir Poutine de se rendre aux BRICS éviterait à l’Afrique du Sud d’avoir à se justifier de dérouler le tapis rouge à un visiteur recherché par la justice internationale, comme ce fut le cas avec l’ex-président soudanais Omar el-Béchir en 2015.
L’ancien homme fort de Khartoum, lui aussi recherché par la Cour Pénale Internationale, avait participé à un sommet de l’Union africaine sur le territoire sud-africain sans être inquiété. L’Afrique du Sud avait même envisagé de quitter la Cour pénale internationale en 2016. L’épisode, conclu par un imbroglio judiciaire, s’est avéré dommageable pour l’image de marque de la nation arc-en-ciel et ses ambitions en tant que locomotive du continent.
Une chose est sûre : il est improbable que l’Afrique du Sud passe les menottes au président russe Vladimir Poutine. Alors, Pretoria cherche la parade et mène des consultations pour trouver une solution face au sommet.
Les liens entre l’Afrique du Sud et la Russie remontent à l’époque de l’apartheid, lors de laquelle le Kremlin avait apporté son soutien au Congrès National Africain dans la lutte contre le régime raciste. Pretoria et Moscou entretiennent de bonnes relations. Sous l’apartheid, l’Union soviétique a soutenu l’ANC, mouvement de libération aujourd’hui au pouvoir. Les liens sont donc encore étroits. Outre que les deux pays sont membres des BRICS, selon l’opposition sud-africaine, l’un des donateurs de l’ANC – qui est en difficultés financières – est un oligarque russe proche de Vladimir Poutine. Raison pour lesquelles l’ANC se refuserait à condamner la Russie, que le gouvernement refuse de condamner la guerre en Ukraine.
Autre question : l’Afrique du Sud pourrait-elle jouer un rôle de médiateur dans la crise entre la Russie et l’Ukraine? Mi-mars 2022, le président Ramaphosa a fait savoir qu’il avait été approché pour jouer un rôle en raison de ses bonnes relations avec Moscou. Le président sud-africain confirme s’être entretenu par téléphone avec Vladimir Poutine. «Je l’ai contacté, précise le président Ramaphosa, pour lui faire part de notre position». À savoir que ce conflit doit être résolu par la médiation et la négociation entre les parties.
Cyril Ramaphosa indique « qu’en raison de ses relations avec la Russie et en tant que membre des BRICS, l’Afrique du Sud a été contactée pour jouer un rôle de médiateur ». Sans préciser par qui. Il ajoute que le président Poutine apprécie « l’approche équilibrée de l’Afrique du Sud ». Jeudi 23 mars 2023, la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib qui faisait partie de la délégation accompagnant le couple royal belge en visite officielle à Pretoria, a appelé l’Afrique du Sud à utiliser ses « liens historiques étroits » avec la Russie pour contribuer à mettre fin à la guerre en Ukraine. « Compte-tenu de vos liens historiques étroits avec la Russie, nous serions heureux que vous envisagiez d’utiliser vos canaux de communication pour avancer sur la voie de la paix », a-t-elle déclaré, s’adressant au président sud-africain Cyril Ramaphosa lors d’une conférence de presse conjointe dans la capitale sud-africaine.
Pretoria s’est abstenue de voter une résolution des Nations unies condamnant l’invasion russe de l’Ukraine.

avec AGENCES.

 

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