Et si les évêques en savaient plus sur les Mobondos?
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1583|LUNdi 29 MAI 2023.
Les évêques catholiques en savent-ils plus sur les Mobondos qu’ils ne le disent publiquement ? Il faut reconnaître un fait : jamais le cardinal Fridolin Ambongo Besungu n’avait fait autant de voyages pastoraux dans le Grand Bandundu et autant communiqué que ces derniers mois. Après avoir parcouru au moins trois fois une contrée du Maï Ndombe jusqu’à une autre dans le Kwilu, il est récemment retourné dans le Kwango, dans le lointain territoire de Kasongo Lunda où il a rencontré «le véritable Roi Yaka» avec qui il s’est entretenu, qui a fait par la suite une « déclaration incendiaire» puis s’est arrêté, sur le chemin de retour, à Kenge, chef-lieu de la province du Kwango, cette fois avec d’autres évêques.
Là, il a présidé du 16 au 21 mai 2023 l’Assemblée Épiscopale provinciale de Kinshasa qui regroupe plusieurs diocèses (Idiofa, Kikwit, Kenge, Inongo, Popokabaka, Boma, Matadi, Kisantu, Kinshasa) et donc des évêques des cinq provinces administratives congolaises, Kwilu, Kwango, Maï Ndombe, Kongo Central, Kinshasa.
Puis a fait sonner le tocsin : « Nous, Cardinal et Évêques, Membres de l’Assemblée Épiscopale Provinciale de Kinshasa, réunis en Session ordinaire à Kenge (…), mus par notre sollicitude pastorale, nous nous sommes penchés, entre autres, sur la situation d’insécurité alarmante dans notre Province Écclésiastique de Kinshasa (…). Depuis plus d’une année, le conflit foncier survenu sur le territoire de Kwamouth, dans la Province de Maï Ndombe, s’est étendu comme un feu de brousse dévastateur qui a atteint les Provinces voisines du Kwilu, du Kwango voire de Kinshasa. Les récents massacres et troubles perpétrés à Batshiongo, Mongata, Kipulamba, Kabuba, Tadika et à la ferme Mayobo, provoquant le déplacement massif des populations, continuent de semer la désolation et l’insécurité. À l’issue de plusieurs visites pastorales sur terrain, des entretiens, des contacts et des témoignages recueillis auprès de différentes couches de la population, nous en sommes venus à l’intime conviction que des mains invisibles sanguinaires à partir de Kinshasa se cachent derrière tous ces conflits. En effet, partis d’un litige foncier, ces conflits sont récupérés par des personnes qui défendent des intérêts occultes à caractère politique et économique. Visiblement, nous assistons impuissants à une pure instrumentalisation de ces conflits par certains hommes politiques en quête de légitimité locale. Derrière cette mise en scène du conflit Teke-Yaka se cachent des intérêts économiques visant à confisquer les terres aux peuples qui les ont toujours occupées dans une coexistence pacifique. Comment ne pas l’affirmer, lorsque nous constatons que les pyromanes d’hier sont aujourd’hui investis de la mission de sapeurs-pompiers au détriment des populations victimes des actes barbares ? À cette allure, nous craignons l’extension de ces conflits sur l’ensemble de nos Provinces, nous éloignant durablement de la paix tant désirée. En paraphrasant le Pape François, nous disons haut et fort à la conscience des personnes qui sont de vrais responsables de ces conflits et de ces massacres: Retirez vos mains sanguinaires de nos Provinces ! Agissez en responsables pour protéger notre peuple ! Cessez de manipuler et d’instrumentaliser un peuple déjà meurtri par la souffrance, la misère et les deuils récurrents ! Comme don de Dieu, toute vie humaine est sacrée. Voilà pourquoi nous exhortons ceux et celles qui en ont la responsabilité au niveau de l’État, à prendre les choses en mains pour ne pas laisser impunément tuer et mourir des personnes innocentes. Leur responsabilité devant l’histoire et devant Dieu sera engagée, si rien n’est fait dans le sens de la sécurisation des personnes et de leurs biens. Par ailleurs, nous continuons à considérer que la recherche de la paix exige de pouvoir dialoguer et d’engager la vraie réconciliation entre les différentes tribus ou ethnies en conflit ».
QUELLES MAINS ?
Des mots forts : «Intime conviction que des mains invisibles sanguinaires à partir de Kinshasa se cachent derrière tous ces conflits. (…). Nous assistons impuissants à une pure instrumentalisation de ces conflits par certains hommes politiques en quête de légitimité locale (…). Retirez vos mains sanguinaires de nos Provinces !… »
Quelles mains ?Peter Kazadi Kankonde, Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité a eu les mêmes mots à sa première sortie publique face aux médias depuis qu’il est au Gouvernement.
Mercredi 24 mai, lors d’une conférence de presse, il a tapé du poing sur la table : «Mobondo s’attaque à tout ce qui est symbole de l’État, tue nos populations civiles, incendient des villages entiers (…) À la base, c’est un conflit des terres et aussi coutumier. Les renseignements que nous avons indiquent qu’il y a implication des politiques et des notabilités (…) Ces hommes politiques se recrutent dans certains partis politiques qui siègent au parlement ».
En visite d’État la semaine dernière en Chine, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a poussé plus avant le bouchon en soupçonnant le pouvoir rwandais, en annonçant la mise en place d’une grande commission Gouvernement-Parlement-Notabilités.
Le 20 octobre 2022, le cardinal avait été reçu en audience à l’Hôtel du Conseil par Premier ministre. « Je suis venu échanger avec le Premier ministre, lui remettre la synthèse de mon rapport de visite dans le territoire de Kwamouth. J’avais fait une visite pastorale la première fois le long du fleuve jusqu’à Kwamouth cité. J’ai continué ma visite jusqu’à Masikwa sur la rivière Kwa. De retour ici, j’avais estimé que ma visite devrait être complétée par la partie terre et j’avais pris l’avion jusqu’à Bandundu Ville. J’avais fait la route RN17 Bandundu-Masiambio jusqu’à Mongata. J’ai eu à rencontrer nos frères et sœurs et j’ai eu des observations qui me paraissaient importantes. Avant de faire quoi que ce soit, j’avais estimé qu’il était tout à fait légitime que j’échange avec le Premier ministre ».
Quand fera-t-on éclater la vérité pendant que ce conflit continue malgré tout de prospérer?
ALUNGA MBUWA.