Le CNSA adresse au Chef de l’État son rapport des « consultations avec les forces politiques et sociales »
KINSHASA-PARIS-BRUXELLES, 10 JUIN 2023, LE SOFT INTERNATIONAL N°1584.
Il a reçu à son siège dans la Capitale ou visité à leurs domiciles de nombreuses personnalités politiques et des membres de la société civile du pays. Du 16 novembre 2022 au 7 février 2023, le CNSA, le Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Électoral à sa tête son président Joseph Olenghankoy Mukundji, a entrepris des « consultations avec les forces politiques et sociales en vue de la cohésion nationale ».
L’initiative de ces consultations avait été prise lors d’une session extraordinaire du CNSA réunie le 14 novembre 2022 à son siège dans la capitale au cours de laquelle une commission formée du président Joseph Olenghankoy Mukundji et des membres du bureau et de sa plénière fut mise en place.
Le CNSA avait invoqué « l’article 6 de la loi organique n°18/023 du 13 novembre 2018 et les chapitres V et VI de l’Accord Politique Global et Inclusif du 31 décembre 2016 » portant sa création.
PERSONNALITÉS RENCONTRÉES.
Il justifiait la mise en place de cette commission par « la recrudescence des conflits intercommunautaires dans les provinces du Maï-Ndombe, du Kongo Central, de l’Ituri et dans d’autres parties de la République », par « l’effritement de la cohésion nationale au détriment de la conjugaison des énergies et de la mobilisation de toutes les composantes socio-politiques et territoriales de notre Nation autour de nos forces armées en train de faire face à l’agression ». Le CNSA estimait que « la défense de l’unité nationale et de l’intégrité de notre territoire est l’objectif qui, par le ciment de la cohésion nationale, doit mobiliser toutes les forces vives de notre société pour bouter dehors l’agression ».
Le 20 avril 2023, le CNSA a adressé au Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo le rapport de ces consultations avec copie au président de l’Assemblée nationale, à celui du Sénat, au premier ministre, chef du Gouvernement, au président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo, CÉNCO, à celui de l’Église du Christ au Congo et au chef spirituel de l’Église Kimbanguiste.
Parmi les personnalités reçues en son bureau ou rencontrées à leurs domiciles par le CNSA, le rapport cite un ancien Vice-président du pays (Azarias Ruberwa Manywa) ; sept anciens premiers ministres (Léon Kengo Wa Dondo, Évariste Mabi Mulumba, Adolphe Muzitu Fumumpa, Augustin Matata Ponyo Mapon, Samy Badibanga Ntita, Bruno Tshibala Nzenze, Sylvestre Ilunga Ilunkamba) ; d’«autres personnalités politiques» (Léon Engulu Banga Mpongo Bakokele Lokanga, Thomas Luhaka Losenzola, Antipas Mbussa Nyamwisi, Salomon Babamuhere Baliena, Richard Muyej Mangez Mans, Tryphon Kin-kiey Mulumba accompagné de cinq membres de son parti P.A, Florentin Mokonda Bonza, José Endundu Bononge, Mme Catherine Nzuzi wa Mbombo, Mutiri wa Bashara, Jean-Claude Muyambo Kyasa, Kalev Mutond, Jonas Munkamba Kadiata Nzemba, Jean Bamanisa Saïdi, Lusanga Ngele, Jean-Pierre Mutamba, Pétronille Vaweka, Martin Fayulu Madidi, Victor Ngezayo, Frank Djongo accompagné de cinq membres de son parti MLP, Noël Tshiani Mwadia Mvita, des députés provinciaux du Haut-Katanga, la maire de la ville de Lubumbashi, Laurianne Mwewa). Il y a aussi des chefs des confessions religieuses, des membres des communautés socio-culturelles, du pouvoir traditionnel, etc.
Ce rapport qui compte environ trente-six pages résume « des avis, critiques, suggestions et propositions » des « forces politiques et sociales » congolaises rencontrées.
Selon le rapport dont le Soft International a consulté une copie, ces personnalités « ont suggéré aux autorités de la République de corriger certaines inégalités constatées dans les nominations pour rétablir la cohésion sociale », de même que de « stimuler la cohésion et l’intégration nationale, par la prise en compte des équilibres géopolitiques et autres réalités sociologiques du pays dans les nominations à des responsabilités publiques ».
À la suite de ces consultations, le CNSA fait plusieurs « recommandations » au plan sécuritaire, diplomatique et économique.
LES RECOMMANDATIONS DU CNSA.
Les premières recommandations touchent à la sécurité.
Le CNSA estime que le pays doit «mettre la cohésion nationale comme fil conducteur au cœur des politiques publiques dans tous les domaines aussi bien au niveau du Gouvernement conformément aux dispositions de l’article 90 alinéa 3 de la Constitution qui stipule que « la composition du Gouvernement tient compte de la représentativité nationale », qu’au niveau de l’Administration publique qui doit être apolitique, neutre et impartiale conformément à l’article 193 de la Constitution, ainsi qu’aux niveaux de la Police et de l’Armée conformément aux prescrits des articles 185 et 189 de la Constitution qui disposent «les effectifs à tous les niveaux, les fonctions de commandement en tout temps et en toute circonstance, doivent tenir compte des critères objectifs liés à la fois à l’aptitude physique, à une instruction suffisante et à une moralité éprouvée ainsi qu’à une représentation équitable des provinces».
LE CNSA estime aussi que l’État congolais doit « accélérer la réforme de l’Armée et de la Police, des services de renseignement ainsi que de sécurité, de manière à en faire des instruments efficaces de protection de l’intégrité territoriale, de protection des droits et libertés des citoyens et de la sécurité publique ; Faire réexaminer par le Parlement certains accords et traités internationaux sujets à controverse, assainir l’appareil judiciaire afin de rétablir la confiance de la population dans le pouvoir judiciaire, rechercher le consensus sur la Commission Électorale Nationale Indépendante afin de rétablir la confiance et la crédibilité du processus électoral, faire respecter les dispositions de la loi électorale relatives à la campagne électorale qui ne peut commencer que 30 jours avant les élections, faire évaluer le fonctionnement des institutions politiques ».
Au plan économique, le CNSA recommande que le « Parlement examine certains contrats signés avec les partenaires extérieurs dans les secteurs minier, gazier et forestier, sujets à controverse » ; que « certaines lois capitales notamment, la loi sur l’agriculture, la loi foncière, etc., soient réexaminées » ; que « la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics soit redynamisée » ; que l’Etat « veille à la préservation de son patrimoine immobilier, domaines public et privé » ; que « le climat des affaires soit assaini » ; que « les mécanismes de création de richesses par les nationaux dans les divers secteurs économiques soit renforcés ».
Le rapport du CNSA évoque divers problèmes auxquels fait face le pays (pillages des ressources naturelles en interne comme à l’externe, dérapage institutionnel, balkanisation, insécurité généralisée, aggravation des conflits intercommunautaires, risque de la guerre civile, processus électoral non consensuel, etc.).
Il estime que « la diaspora qui a massivement encadré le Président de la République dans l’exercice du pouvoir à ce jour, a lamentablement échoué et s’est plutôt illustrée dans des actes d’antivaleurs et de jouissance béante ». Il « suggère » de « mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, pour un regain de confiance de notre population, longtemps meurtrie ; une évaluation des décisions prises au Dialogue de $un City devient indispensable en vue de recadrer la gestion de la République sur les nouvelles bases et en fonction du contexte actuel ; que les membres du Gouvernement jouent leurs rôles ; rappel aux différentes institutions leurs devoirs d’État, mission donnée lors des accords de la Saint Sylvestre ; éveiller les consciences ; rendre actif le sénateur à vie, exemple du Kenya où le Président actuel confie des missions à son prédécesseur qui est devenu facilitateur dans certains conflits et ce, pour le bien et la fierté du pays ; veiller à l’application de la disposition constitutionnelle relative à la retenue à la source de 40% et à la rétrocession en faveur des provinces et des ETD pour permettre à la gouvernance locale de faire son travail ».
Sur le processus électoral, le rapport appelle à « l’inclusivité ».
« La désignation des actuels membres de la CÉNI pose deux problèmes majeurs qui fragilisent le caractère inclusif du processus électoral (…) en violation flagrante de l’article 10 in fine de la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante telle que modifiée et complétée par la Loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 et la Loi organique n° 21/012 du 03 juillet 2021.
Le CNSA parle du « tripatouillage de/dans la cartographie des centres d’inscription ».
« Il est connu de tous, que pour avoir des bonnes élections, il est d’ordre général de garantir la transparence dans le processus électoral et cela à chaque étape de celui-ci. Cependant, l’opacité qui règne actuellement dans la publication de la cartographie des Centres d’identification suscite une suspicion légitime à l’endroit de la CÉNI par les parties prenantes (…). Toutes choses restant égales à elles-mêmes, l’augmentation des centres devrait être répartie au prorata du quota et de pourcentage par aire opérationnelle. Cependant, les informations confirmées par le Président de la CÉNI sur l’exponentialité de la répartition de cette augmentation rendent perplexe l’opinion, au point d’affirmer que la CÉNI actuelle a une préférence des certaines provinces contre les autres. La non mise à disposition de la cartographie ne peut confirmer les statistiques des projections de certaines parties prenantes au processus qui seraient attribuées à la CÉNI. Confirmant ainsi qu’il y a des provinces qui bénéficient de plus de centres que d’autres ».
Le CNSA rappelle que « la République Démocratique du Congo est un pays qui, depuis sa création en 1885 par le Roi Léopold II est un fruit du consensus sur le plan international entre les puissances du monde ».
ALUNGA MBUWA.