Le budget de l’Etat 2024 en élaboration se dessine déjà

Le budget de l’Etat 2024 en élaboration se dessine déjà

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1588|LUNdi 24 JUIllet 2023.

 

On en sait désormais un peu plus sur l’image que portera le budget de l’État 2024 en pleine élaboration au ministère du Budget et qui sera déposé au bureau de l’Assemblée nationale avant le 15 septembre 2023. Dans un courrier daté du 21 juin 2023 (n° CAB/PM/DIRCAB/MBL/2023/0933) adressé aux gestionnaires des crédits au niveau central, provincial et local ainsi qu’aux responsables des budgets annexes et des comptes spéciaux avec copie au président de la République, au ministre d’État en charge du Budget et à son collègue des Finances, le premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge donne les lignes de ce projet de loi de finances pour l’exercice 2024. Il s’agit en réalité d’un ensemble d’«orientations générales de la politique macroéconomique et de la politique budgétaire devant sous-tendre l’élaboration des prévisions budgétaires du Pouvoir central, des Provinces et des Entités Territoriales Décentralisées pour l’exercice 2024 ».
Le contexte international d’abord qui caractérise l’élaboration de ce budget. Il est marqué « par la poursuite de la guerre russo-ukrainienne et la baisse des cours des produits miniers et pétroliers », écrit le premier ministre.

CROISSANCE EN BAISSE DANS LA ZONE EURO.
Au plan national, le contexte est celui de « l’organisation des élections générales, l’insécurité persistante dans l’Est du pays et la conclusion de la quatrième revue du Programme économique du Gouvernement avec le Fonds Monétaire International (FMI), soutenu par la Facilite Élargie de Crédit (FEC), ainsi que par la mise en œuvre des projets socio-économiques à grand impact, notamment le Programme de Développement Local à la base de 145 Territoires (PDL-145T), la gratuite de l’enseignement de base et la couverture santé universelle ». Un budget qui s’élabore aussi, signale le premier ministre, «dans le cadre de la poursuite des efforts de la diversification de l’économie nationale et de l’amélioration du climat des affaires ».

Contexte économique international.
Selon les Perspectives de l’Économie Mondiale du Fonds Monétaire International publiées en avril 2023, il est postulé un ralentissement de la croissance économique mondiale, la baisse des cours des matières premières intéressant l’économie congolaise (cuivre et cobalt) et la baisse du volume des échanges commerciaux avec les principaux partenaires du Congo, notamment la Chine. La croissance mondiale devrait chuter pour les cinq prochaines années.
De 3,4% en 2022, elle s’établirait à 2,8% en 2023 pour se situer à 3,0% en 2024. Cette révision à la baisse de la croissance serait justifiée notamment par la guerre en Ukraine et les changements de politiques macroéconomiques opérés par les pays au cours des derniers mois.
Ce niveau pourrait ralentir davantage en cas d’extension du conflit au-delà de l’Ukraine et de dégradation du secteur énergétique suite aux sanctions économiques contre la Russie.
Dans les pays avancés, la croissance de l’activité économique devrait se situer à 1,3% en 2023 venant de 2,7% en 2022. En 2024, elle serait de 1,4%. Par contre, aux États-Unis d’Amérique, la croissance du PIB se situerait à 1,6% en 2023 contre 2,1% en 2022, et à 1,1% en 2024.
Dans la zone Euro, la croissance devrait se situer à 0,8% en 2023, après un niveau de 3,5% en 2022. Une légère reprise est attendue en 2024 situant la croissance a 1,4%.
Dans les pays émergents et en développement, l’activité économique connaîtrait une légère embellie en 2024 ou elle se situerait a 4,9% contre 3,9% prévu en 2023.
En Afrique subsaharienne, la persistance de l’inflation mondiale et le resserrement des politiques monétaires ont entraîné une hausse des coûts d’emprunt et exerce une pression accrue sur les taux de change.
Ce contexte a affecté l’activité économique dans la sous-région, situant la croissance économique en 2023 à 3,6%, contre 3,8% enregistrée en 2022. Cependant, en 2024, elle devrait connaître une embellie pour se situer à 4,2%.
Suivant les mêmes perspectives, l’inflation mondiale devrait chuter en 2023 à 7,0% contre 8,7% observée en 2022 et ce, sous l’effet de la baisse des prix des produits alimentaires et énergétiques. Cette tendance baissière se poursuivrait en 2024 ou elle s’établirait à 4,9%.

Perspectives économiques nationales.
À court-terme, les hypothèses macroéconomiques sont pessimistes dans un contexte marqué par la baisse des cours des matières premières. L’activité économique du Congo se situerait à 6,4% en 2024 contre 6,8% estimée en 2023. Cette croissance serait tirée par les secteurs non miniers, traduisant ainsi l’effort dans la diversification de l’économie et l’assainissement du climat des affaires. Cependant, en 2025 et en 2026, la croissance économique connaîtrait une embellie et s’établirait respectivement à 7,3% et à 7,5%.
En ce qui concerne le rythme de formation des prix intérieurs, celui-ci devra décélérer entre 2024 et 2026. Ce ralentissement serait principalement le reflet du resserrement attendu des politiques monétaires en 2023.
En effet, le taux d’inflation moyen se situerait a 10,9% en 2024 contre 11,5% estime pour 2023. En 2025 et 2026, il devrait s’établir respectivement à 9,8% et à 8,7%.
Quant au comportement de la monnaie nationale par rapport au dollar américain, il devrait s’observer un faible rythme de dépréciation du franc congolais. En effet, partant d’une dépréciation de 24% en 2023, le CDF se déprécierait autour de 1,25% entre 2024 et 2026. Ainsi, le taux de change fin période en 2024 se situerait à 2.535,46 CDF pour un 1 $US.
S’agissant des réserves de change, l’objectif reste de les porter à 6 mois d’importation conformément aux critères de convergence dans le cadre de la SADC. Pour la période 2024-2026, elles se situeraient à 2,82 mois d’importations, venant de 1,96 mois d’importations les trois dernières années.

Orientation de la politique budgétaire pour l’exercice 2024.
Le budget de l’exercice 2024 devra s’intégrer dans le contexte actuel du pays marqué principalement par des défis sécuritaires importants, à savoir la guerre à l’Est de notre pays avec l’agression du M23 soutenue par le Rwanda et les conflits interethniques notamment à Kwamouth.
Le Gouvernement devra également poursuivre le relèvement des défis de développement qu’il a amorcé, à travers notamment la mise en œuvre du Programme de Développement Local à la base de 145 Territoires, la gratuite de l’enseignement de base et de la couverture santé universelle et autres grands pro-jets.
Dans la cadre du renforcement de la démocratie, le budget de l’exercice 2024 devra intégrer les coûts liés à la mise en place des nouvelles institutions issues des élections au niveau local et les coûts liés à l’installation des nouvelles autorités élues tant au niveau national que provincial.
Il convient de relever que ceci nécessite encore des efforts substantiels dans l’élargissement de l’espace budgétaire et dans la rationalisation de la dépense publique pour lesquels j’invite les membres du Gouvernement à œuvrer dans ce sens lots de l’élaboration des prévisions budgétaires de l’exercice 2024, en recettes comme en dépenses.

Les grandes lignes de la politique budgétaire.
En ce qui concerne les dépenses publiques. La politique budgétaire en matière des dépenses devra accorder une priorité aux dépenses sécuritaires, aux dépenses sociales, aux dépenses humanitaires pour prendre en charge les déplacés, aux dépenses des secteurs devant permettre la diversification de l’économie et aux autres secteurs productifs.

DÉFENSE ET SÉCURITÉ PRIORITAIRES.
Face aux défis que regorgent ces secteurs, elle veillera à maintenir le déficit budgétaire dans des limites acceptables.
Les dépenses sécuritaires devront concerner principalement la sécurisation des frontières, la pacification complète de l’Est du pays, l’éradication du phénomène «Kuluna», le maintien de la paix dans la province du Kwango et la protection des personnes et de leurs biens. À cet effet, des moyens nécessaires devront être alloués aux services de sécurité et à l’armée, en termes d’équipements et d’amélioration des conditions sociales des policiers et militaires.
Des moyens nécessaires devront être alloués au Pouvoir judiciaire et à la Justice pour accompagner les efforts de sécurisation du pays. Ces moyens devront permettre le parachève-ment du processus de recrutement des magistrats, l’amélioration de leurs conditions sociales ainsi que la construction et la réhabilitation des prisons et des cours et tribunaux.
Les dépenses sociales devront concerner principalement les secteurs de la Santé, de l’Éducation et de la Protection sociale. Les progrès enregistrés dans la gratuite de l’enseignement de base et dans la couverture santé universelle devront être consolidés.
Bien que des efforts soient enregistrés dans l’accroissement des prévisions des dépenses de l’Éducation et de la Santé, celles-ci n’ont pas encore atteint les engagements auxquels le pays a souscrit dans le cadre du Partenariat Mondial pour l’Éducation et de l’accord d’Abuja qui fixent les dépenses de ces secteurs respectivement à 19,9% et à 15% du budget.
Le budget de ces secteurs pour l’exercice 2024 devra s’améliorer en vue d’approcher ces cibles et permettre (i) l’amélioration du taux de scolarisation au primaire par la construction et la réhabilitation des écoles primaires et la mécanisation des enseignants, (ii) l’amélioration de l’accès aux soins de santé, par la construction et réhabilitation des centres de santé et la mécanisation du professionnel de santé.
Dans le budget de l’exercice 2024, un accent devra également être mis dans le secteur de la protection sociale au profit des vulnérables. Les allocations au profit des ministères y relatifs devront permettre de poursuivre la politique de couverture santé universelle, de répondre aux besoins humanitaires consécutifs notamment aux conflits inter-ethniques et au déplacement des populations et de jeter les bases de la mise en place des filets sociaux.
Le budget 2024 devra permettre la consolidation des efforts de la diversification de l’économie amorcée par le Gouvernement en vue de réduire la vulnérabilité des recettes domestiques aux chocs des cours des matières premières d’exportation du pays.
Une attention devra être focalisée davantage dans les secteurs de l’Agriculture, de l’Industrie, de l’Entreprenariat et du Tourisme.
Dans le secteur de l’Agriculture, un effort devra être fait pour approcher sa part dans le budget au regard de l’accord de Maputo qui la fixe a 10% du budget. Les dépenses dans ce secteur devront permettre de moderniser la production agricole et la pêche, la construction et la réhabilitation des routes de desserte agricole, en vue d’assurer la sécurité alimentaire.
Dans le secteur de l’Industrie, les prévisions budgétaires devront consolider la promotion d’une économie productive, compétitive, diversifiée et fondée sur la dynamique d’échanges nationaux, sous régionaux, régionaux et internationaux. Ces prévisions devront permettre notamment la relance des entreprises agricoles en faillite dans certaines provinces et la mise en œuvre du projet d’installation au Congo d’une industrie de production des batteries électriques des véhicules et des énergies renouvelables qui a entamé sa phase pratique avec la signature d’un contrat d’études de faisabilité.
Dans le secteur de l’Entreprenariat, les prévisions budgétaires y relatives devront permettre la promotion de l’entrepreneuriat par, notamment, la facilitation de l’accès aux crédits et la promotion de l’émergence de la classe moyenne. Cette promotion devra mettre un accent particulier sur l’entreprenariat des femmes et des jeunes. Dans le secteur du Tourisme, l’attention devra être maintenue principalement sur la création des zones de développement et d’expansion touristiques et sur Identification et la diversification des produits touristiques.
Dans les secteurs productifs et des Infrastructures, tels que les Transports, les Infrastructures et Travaux publics, l’Énergie, les Télécommunications, le Numérique et l’Environnement, les prévisions budgétaires devront prioriser le parachèvement des projets amorcés par le Gouvernement.
Il s’agit notamment de la construction des aéroports, la construction du port en eaux profondes de Banana, la poursuite des travaux d’asphaltage de la RN39 Kolwezi-Dilolo pour désenclaver la ville de Kasaji ainsi que les agglomérations de Dilolo, Kisenga, Sandoa et Kapanga, la poursuite des travaux d’asphaltage sur la route Luambo-Bunkeya et sur le tronçon Kamoa, etc.
Pour le reste des secteurs, les prévisions budgétaires de l’exercice 2024 devront également consolider les actions liées aux stratégies et à leurs priorités, relayées dans le Cadre Budgétaire à Moyen-Terme 2024-2026.
Le budget 2024 appelle à une structure des dépenses favorisant les investissements en vue d’atteindre les objectifs sectoriels sus-évoqués. Le Gouvernement devra aussi mettre un accent sur l’encadrement et l’amélioration de la budgétisation pluriannuelle des investissements publics en collaboration avec les provinces et les Entités Territoriales Décentralisées. Cette orientation découle des instructions du Président de la République lors de la centième réunion du Conseil des Ministres te-nue le 02 juin 2023.

LES REMUNERATIONS N’IRONT PAS AU-DELA DE 5% DU PIB.
Les membres du Gouvernement devront procéder à une rationalisation des dépenses pour dégager des marges budgétaires au profit des dépenses d’investissement et à veiller à la qualité de la dépense. Les dépenses de fonctionnement devront être limitées dans le cadre de la poursuite de réduction du train de vie des institutions. Il en est de même de la masse salariale qui devra être maîtrisée. Les dépenses de rémunération ne devront pas dépasser 5% du PIB. Dans ces conditions, l’augmentation des effectifs ou la révision des grilles barémiques ne devront se faire que dans le cadre des prévisions budgétaires de chaque service dans la limite des plafonds définis. La politique de la mise à la retraite devra se poursuivre en vue de dégager des espaces devant compenser le besoin en recrutement du personnel et en mécanisation. Aucune demande supplémentaire (crédits additionnels, proposition des barèmes, nouvelles structures, etc.) ne pourra considérée après le bouclage du budget de l’exercice 2024. L’amélioration de la qualité de la dépense devra passer égale-ment par le respect de la Loi de finances de l’exercice 2024, en termes de plafonds et de politiques qui seront définis ainsi que par une meilleure adéquation entre celle-ci et les outils de programmation infra-annuelle des dépenses, à savoir le Plan d’engagement budgétaire (PEB), le Plan de Passation des Marchés (PPM) et le Plan de trésorerie (PTR).
Le Gouvernement entend accélérer le processus de bascule-ment vers une budgétisation fondée sur les résultats au moyen des budgets-programmes. Conformément aux dispositions de l’article 5 de la Loi de Finances n°22/071 du 28 décembre 2022 pour l’exercice 2023, les ministères de la Santé Publique, Hygiène et Prévention ; de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique ; du Développement Rural ; de l’Agriculture ; de Pèche et Élevage ; et de la Défense Nationale et Anciens Combattants, devront élaborer leurs prévisions budgétaires en mode programme, au même moment que le mode moyen.
Sur les recettes publiques, les défis importants à relever appellent à un élargissement de l’espace budgétaire. Celui-ci devra passer, entre autres, par l’amélioration du niveau des recettes domestiques. Après une pression fiscale de 14,0% enregistrée en 2022, un effort devra être fourni pour l’approcher à la moyenne des pays de l’Afrique Subsaharienne de 17,6%. Les réformes fiscales et douanières, couplées de la pro-motion de la culture fiscale ainsi que de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales devront être intensifiées, en vue de combler progressivement ce gap. Par ailleurs, un effort devra être déployé dans la fiscalisation du secteur informel. L’impact des principales mesures suivantes devra être intégré dans la formulation des prévisions des recettes de l’exercice 2024. II s’agit de :
◗ la finalisation de la signature des accords d’assistance mutuelle avec les principaux pays exportateurs des marchandises vers la RDC en vue de maîtriser l’assiette imposable ;
◗ l’accélération du processus de digitalisation des procédures fiscales, non fiscales et douanières pour améliorer le recouvrement des recettes ;
◗ la poursuite de la sensibilisation des agents économiques à l’obtention de l’identifiant fiscal unique ;
◗ la poursuite de la rationalisation du régime des exonérations fiscales et douanières et de la prohibition de celles dérogatoires ;
◗ la poursuite et l’extension du Système de Traçabilité des Droits d’Accises aux autres produits ;
◗ l’actualisation des taux à percevoir sur les recettes non fiscales par la signature des arrêtés interministériels et l’activation des actes générateurs en vigueur dans les lois de finances.
Quant au déficit et son financement, la formulation ou l’exécution du budget de l’exercice 2024 pouvant dégager des gaps de financement/déficits du fait de l’insuffisance des recettes domestiques à couvrir la politique des dépenses préconisée, le premier ministre « encourage prudemment l’emprunt aussi bien sur le marché financier domestique, au titre de bons ou obligations du Trésor, que sur le marché international auprès des partenaires multi et bilatéraux. Le recours à l’emprunt doit privilégier les conditions favorables, notamment la concessionnalité afin de garantir la viabilité budgétaire et maintenir le pays a son niveau d’endettement modéré». En lien avec la loi relative aux finances publiques (LOFIP), le recours au financement monétaire du déficit est prohibé, afin de ne pas déséquilibrer le cadrage macro-économique. Jean-Michel Sama Lukonde «encourage le recours au Partenariat Public-Privé (PPP) en vue de financer certains projets d’investissement dans les conditions fixées par la Loi n°18/016 du 09 juillet 2018 relative au Partenariat Public-Privé, tout en minimisant le risque lié aux passifs conditionnels à subir par l’État».

 

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