Candidat du peuple

Candidat du peuple

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1595|lundi 9 octobre 2023.

 

Sous-estimé comme jamais et toujours couru comme sans doute jamais, c’est Fatshi, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le fils de son père. On peut tout dire, la naissance d’un homme, la formation de celui-ci, l’éducation, l’environnement immédiat, voilà qui sert de pièce d’identité à chacun. Il n’avait jamais quitté son père. Il endure les années de martyr sous Mobutu, qui place son père à résidence surveillée sous la garde de l’armée, les années de condamnation, celle de relégation à Mupomba dans Kabeya Kamwanga, au Kasaï Oriental, village de son père, avec sa mère, avec son père, accusé d’avoir initié la première contestation publique du régime Mobutu par des acteurs politiques et faibli ainsi la puissance du régime. Le martyr qui se poursuit sous les deux Kabila, père et fils.

Tout commence par la fameuse «Lettre des 13 parlementaires» publiée le 1er novembre 1980 qui dénonce littéralement un régime de dictature.

Cette longue lettre ouverte survient après la répression par l’armée en juillet 1979 de creuseurs artisanaux de diamants à Katekelay dans le Kasaï Oriental alors que l’exploitation de diamants par des privés est interdite.

La lettre a opté «pour un langage militant, c’est-à-dire dépouillé de toute hypocrisie et de toute flatterie». Elle se termine par appeler le « Citoyen Président-Fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution, Président de la République », à « une réforme politique profonde mettant en œuvre » dix principes susceptibles de conduire le pays à «l’instauration de ce pluralisme» en lien avec le Manifeste de la N’Sele, document fondateur du MPR qui prévoyait un deuxième parti en référence à l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1967.

 

« JE VOUS DIS A NOUS REVOIR ».

Les signataires sont Ngalula Pandanjila, Makanda Mpinga Shambuyi, Paul Kapita Shabani, Gabriel Kyungu wa Kuwanza, Potrais Lumbu Maloba Ndoba, Kanana Tshungu, François Lusamba Ngieni, Kasala Kalumba, Bengamine Manga Ruka, Charles Dia Onken Ambel, Ngoyi Mukendi, Mbombo Lona, Étienne Tshisekedi wa Mulumba.

Mobutu n’a pas apprécié que celui qui fut avec lui, avec Justin-Marie Bomboko et Joseph Nsinga Udjuu Ungwankebi Untube, concepteur et co-rédacteur de ce Manifeste de la N’Sele, la charte qui crée le MPR, le Mouvement Populaire de la Révolution, parti unique, promulguée le 20 mai 1967, s’éloigne ainsi de lui. Il qualifie cela d’outrage à son pouvoir…

Qu’importe ! Le fils, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo est à Kabeya Kamwanga avec son père.

Mais soucieux de préserver son enfant de ce martyr, Étienne Tshisekedi wa Mulumba parvient, de connivence avec des chancelleries occidentales, à l’exfiltrer vers la Belgique via Brazzaville où le fils tente, autant que possible, de survivre, aux côtés des siens, aux côtés de ce Peuple – «le Peuple d’abord» – qui reste la référence du père comme celle du fils.

Quand certains se prélassent dans des lieux extravagants, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo vit la vie de ces progénitures éloignées des leurs. Ces durs moments de la vie lui assurent une formation d’où il tire tout aujourd’hui à l’âge adulte.

Nul n’affirmera que les cinq années qu’il vient de passer à la tête du Congo à l’issue de la première et historique passation de pouvoir de «façon civilisée» aient été une sinécure.

Passation de pouvoir de «façon civilisée»? Quand on sait comment le colonel Mobutu, chef d’état-major de l’armée, renverse le président de la République Kasavubu après avoir destitué le Premier ministre Patrice Émery Lumumba peu après assassiné au Katanga, quand on sait comment Mobutu est défait par le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila à qui le fils Joseph Kabila succède après l’assassinat dans son bureau de son père, avouons que c’est grâce à l’accompagnement à l’international que le Congo aura connu à sa tête pour la toute première fois de son histoire, avec Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, une succession sans bruit de bottes. Sauf que la réalité aura été autre.

Refusant de reconnaître sa défaite électorale, esquissant diverses stratégies de maintien au pouvoir et de reprise de pouvoir, l’ancien pouvoir du fils Kabila ne joue pas la sincérité.

Sachant que selon la Constitution du pays, la réalité de ce pouvoir n’est pas à la présidence de la République, mais à l’Assemblée nationale et dans les assemblées provinciales, l’ancien pouvoir s’arrange pour s’adjuger – se fabriquer – une majorité stalinienne dans toutes les chambres nationales et provinciales dont émane le pouvoir exécutif, à commencer par le Premier ministre, Chef du Gouvernement et les gouverneurs de province.

Le but final est de bloquer ce « Président du Peuple », l’empêcher de gouverner – de l’anéantir en lui retirant toute possibilité d’atteinte de résultat – afin de revenir à la tête du pays à l’issue des cinq ans. Et pourquoi pas avant ?

Qui a oublié ce court discours de Joseph Kabila le 17 août 2018, à Windhoek, la capitale de la Namibie où se tient le 38e sommet des chefs d’État de la SADC qui le pressent de ne pas se représenter à la tête du pays mais de faire sans attendre ses adieux, de se trouver éventuellement un candidat à sa succession quand il leur lance : « Je préfère ne pas vous dire au revoir, je vous dis à bientôt. La démocratie n’est pas juste une réalité, c’est un processus irréversible en RDC. Merci aux actuels chefs d’État qui m’ont aidé à me rendre la vie facile. Et à tous qui l’ont un peu compliqué ».

 

L’ECHEC CUISANT DE KABILA.

Joseph Kabila promet de revenir à la tête du Congo…

Sauf que la politique est faite de surprises. Qui aurait imaginé un jour que des personnalités comme Augustin Matata Ponyo Mapon, Évariste Boshab Mabudj-ma-Bilenge, Adolphe Lumanu Mulenda Mwana N’sefu, Léonard She Okitundu Lundula, Célestin Tunda Ya Kasende, Jean-Charles Okoto, Lambert Mende Omalanga, etc., si liées à cet homme pour avoir été soit Premier ministre de son gouvernement (Augustin Matata Ponyo Mapon), soit Vice-premier ministre (Évariste Boshab Mabudj-ma-Bilenge, Adolphe Lumanu Mulenda Mwana N’sefu, Léonard She Okitundu Lundula, Célestin Tunda Ya Kasende), soit directeur de cabinet du président de la République (Boshab qui fut aussi président de l’Assemblée nationale, Lumanu), soit à la tête des ministères de souveraineté (Jean-Charles Okito, She Okitundu, Lambert Mende Omalanga, etc.), pouvaient un jour s’éloigner de ce mentor, lui faire les adieux et traverser la rue ?

L’effondrement fin décembre 2020, début février 2021, d’une majorité fabriquée dans les chambres parlementaires, l’éviction de ses présidents (Jeanine Mabunda Lioko Mudiayi le 10 décembre 2020 à la Chambre basse, Alexis Thambwe Mwamba le 5 février 2021 au Sénat), la chute, le 27 janvier 2021, du Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba marque la fin d’une histoire.

C’est rien d’autre que signe d’un échec cuisant pour l’ancien pouvoir. S’il y a eu une guerre au Congo-Zaïre appelée «la première guerre mondiale africaine», l’Histoire retiendra une trahison intervenue dans ce pays qu’elle pourrait nommer «la première trahison politique mondiale africaine».

Jamais, dans l’histoire démocratique, une majorité parlementaire n’avait changé aussi totalement sans élection anticipée au cours d’une législature. Il faut certainement aller chercher à une autre époque un leader de premier plan, aussi abandonné, aussi isolé, aussi trahi par ceux dont il avait forgé l’existence politique.

Mais le vaste Congo au cœur du Continent qui a aidé l’Occident à gagner la première guerre mondiale grâce à son uranium de Chinkolobwe, ce Congo et ses minerais rares et stratégiques (cuivre, coltan, cobalt, lithium, etc.) tant convoités dans le monde puisque tenant le futur de l’humanité, ce pays ne sera jamais laissé libre par aucune puissance.

C’est au Peuple et au Peuple Congolais de faire barrage et de s’assumer pleinement contre des candidats de l’étranger. Au Sahel, une page s’écrit qui inspire respect ? C’est en tout cas le sentiment que tout le Continent

D.DADEI.

 

 

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