Les neuf contrats signés dans la totale irrégularité

Les neuf contrats signés dans la totale irrégularité

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1602|lundi 5 janvier 2024.

Ils sont neuf noms cités dans l’ordonnance présidentielle (nr 23/226 du 12 décembre 2023 portant nomination des membres du Conseil d’Administration et de la Direction Générale d’une Entreprise du Portefeuille de l’État dénommée Régie des Voies Aériennes, en sigle S.A), notifiée le 5 janvier 2024 par la Ministre d’État en charge du Portefeuille, Madame Adèle Kahinda Muhina, lettre notamment adressée au Président du Conseil d’Administration de la RVA-SA (n°0019MINPF/BSF/CMC/AKM/2024).

En tête, à l’article 1er : Kin-kiey Mulumba Tryphon. Puis : Ngoma Mbaki Léonard, Mukenge Kalulambi Jean-André, Motoff Ikokombe Peter, Kapambu Katukonki Raphaël, Ngandu Ndumbi Charles, Masanga Kisigay Étienne, Kikwa Mwata Mukambo Anatole, Mme Kazad Tshikeza Gisèle.

 

À l’article 2, trois noms sont cités : Kin-kiey Mulumba Tryphon, nommé Président du Conseil d’Administration; Ngoma Mbaki Léonard et Londole Lokoyi Louis Blaise nommés respectivement Directeur Général et Directeur Général Adjoint.

L’article 3 est stipulé comme suit : «Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente Ordonnance». L’article quatre conclut : « Le Ministre d’État, Ministre du Portefeuille est chargé de l’exécution de la présente Ordonnance qui sort ses effets à la date de sa signature ». Puis : « Fait à Kinshasa, le 12 décembre 2023. Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Pour le Premier Ministre Kazadi Kankonde Peter, Vice-Premier Ministre ». «Pour copie certifiée conforme à l’original, le 12 décembre 2023, Le Cabinet du Président de la République, Guyain Nyembo Mbwizya, Directeur de Cabinet». Et le cachet du Cabinet du Président de la République. Tout clair comme l’eau de roche…

La lettre de notification de la Ministre d’État, Ministre du Portefeuille Adèle Kayinda Mahina datée du 5 janvier 2024, (nr°0019MINPF/BSF/CMC/AKM/2024, copie conforme adressée au Président de la République, Chef de l’État, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, au Directeur de Cabinet du Président de la République, aux Directeurs de Cabinet Adjoints du Président de la République, au Secrétaire Général au Portefeuille, au Président a.i du Conseil Supérieur du Portefeuille, au Président du Conseil d’Administration de la RVA-SA (afin qu’aucune autorité du pays n’en n’ignore rien), présente les «vives félicitations» de la Ministre d’État en charge du Portefeuille, «exhorte (l’intéressé) à ne ménager aucun effort pour mériter davantage la confiance placée (en lui) par les Hautes Autorités de la République», invite le Président du Conseil d’Administration ainsi nommé «à procéder à la convocation d’un Conseil d’Administration et d’une Assemblée Générale Ordinaire en vue d’entériner cette nomination ».

La Ministre d’État «demande», par le même courrier, au Président a.i du Conseil Supérieur du Portefeuille, « qui me lit en copie, d’organiser la Cérémonie de remise et reprise entre les mandataires sortants et entrants après la tenue de l’Assemblée Générale Ordinaire et du Conseil d’Administration ».

 

LA POULE AUX ŒUFS D’OR.

Tout le protocole tel qu’édicté notamment par l’Acte Uniforme de l’OHADA, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, millimétré et public. D’abord au siège du Conseil d’Administration de la RVA-SA pour prise d’acte, puis dans la salle Le Capitole de Kin Plaza Arjaan à Kinshasa, enfin au siège de l’Administration Centrale de la RVA-SA, dans le quartier de Ndolo, en début de soirée, face au personnel en masse qui avait envahi le hall d’entrée de la société pour marquer son adhésion unanime à ce changement à la Direction Générale. Et, dès le lendemain, pressé par l’événement historique de la cérémonie d’investiture du Président de la République à laquelle une quarantaine de Chefs d’État et de dignitaires étrangers étaient attendus, le nouveau Conseil d’Administration et la nouvelle Direction Générale se sont déployés sur tous les théâtres notamment à l’Aéroport International de N’Djili, la principale porte d’entrée et de sortie du pays afin de veiller que tout était au point.

D’où est venu ce petit vent de contestation de l’ordonnance présidentielle nr 23/226 du 12 décembre 2023 et surtout, pourquoi?

Tentative de réponse. D’abord, la première personne à réagir fut une dame présentée comme « l’une des épouses » de l’ancien Directeur Général, qui était aussi sa ParSec à la RVA-SA. Cette dame venait tout juste de regagner le pays après avoir accompagné son mari en Belgique où il s’était rendu en congé de reconstitution autorisé par le Président du Conseil d’Administration de la RVA-SA. Pourquoi cette dame était-elle tant choquée dès lors que son mari nommé le 7 juillet 2021 Directeur Général de la RVA-SA, resté en fonctions plus de deux ans, n’exerçait qu’un mandat politique pouvant prendre fin à tout moment ? Il suffisait pour cela d’une décision de l’État propriétaire « abrogeant », selon la formule consacrée, « toutes les dispositions antérieures… ».

La vérité se trouve dans ce qui se découvre chaque jour qui passe à la RVA-SA quand l’on ouvre les placards alors que les langues se délient. En fait, pour l’ex-Directeur Général, la RVA-SA n’était rien d’autre qu’une poule aux œufs d’or. Il s’en est servi comme sans doute jamais. Outre ses «multiples conflits avec la délégation syndicale comme avec les membres du personnel à travers des méthodes de gestion plus que décriées, ce novice dans la gestion d’une entreprise se serait illustré par un totalitarisme qui avait fini par exacerber les diverses crises qui couvaient au fil de jours au sein de cette entreprise dans un secteur aussi sensible que stratégique, celui de l’aviation civile », explique un haut cadre de la RVA-SA engagé depuis plus de vingt ans, cité dans un article, par le journaliste Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi.

« Avec un pilotage à vue inacceptable et des méthodes de gestion peu orthodoxes, ce fut un risque assuré d’une catastrophe à court terme », surenchérit un autre membre du personnel, toujours sous anonymat, cité par le même journaliste. «Sur la sellette depuis son arrivée, l’ancien DG l’était pour plusieurs dossiers sensibles comme la non nomination d’un Directeur adjoint attaché à l’Aéroport International de N’Djili, cette « poule aux œufs d’or » en matière financière sur laquelle il aura gardé l’œil et la main avec le Directeur de l’aéroport jusqu’à son départ». « Le drame est que le pillage a été systématique, les nominations hors normes sans tenir compte des conventions collectives à l’exemple de son assistante aujourd’hui en villégiature à Dubaï où l’a surpris la nouvelle du changement à la Direction Générale. Loin d’un règlement de comptes, la longue maladie de Shungu, son long séjour médical en Belgique en 2023 et aujourd’hui sa mise à l’écart démontre qu’il fut peut-être une erreur de casting. La somme fait que c’est une bonne chose pour l’avenir de la RVA-SA. Pourvu que les nouveaux dirigeants soient dans la visée du Chef de l’État Félix Tshisekedi pour sa lutte contre les anti valeurs et la corruption », explique un syndicaliste sous anonymat cité par Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi.

Outre cela, il y a le dossier IGF. Dans plusieurs courriers adressés à la RVA-SA (avec copies transmises à plusieurs autorités du pays), l’Inspection Générale des Finances soupçonne Shungu de détournement de plusieurs millions de $US dans un projet de travaux de construction des aéroports de Kolwezi au Lualaba et de la Luano à Lubumbashi. Il y a aussi le dossier de fonds IDEF (Go Pass) logés dans une banque commerciale à Kinshasa dont nul ne connaît le mode de gestion.

Une Commission ad hoc mise en place par le Conseil d’Administration de la RVA-SA pour examiner les contrats signés par l’ancien Directeur Général dans la période du 26 juillet au 31 décembre 2023 est tombé sur d’incroyables découvertes. «Le non-respect de la procédure requise et la violation flagrante des textes légaux et réglementaires en matière des contrats de passation des marchés publics; une opacité caractérisée tout au long des négociations jusqu’à la signature des différents contrats; pour le seul mois de décembre, quatre contrats ont été bizarrement signés. Le Directeur Général avait donc posé ces actes in suspecto tempore», écrit le rapport. Autre conclusion de la Commission mise en place par le Conseil d’Administration de la RVA-SA: «Les irrégularités flagrantes ont été constatées à charge du Directeur Général qui a opté délibérément d’outrepasser le Conseil d’Administration en le mettant simplement à l’écart du processus, violant ainsi la règle de bonne gestion relative à la procédure légale et réglementaire requise».

La Commission dit avoir « vigoureusement stigmatisé le fait que quatre de ces neuf contrats ont été signés en date du 15, 19, 21 et 23 décembre 2023, c’est-à-dire, après la signature par le Président de la République, Chef de l’État, de l’ordonnance n°23/226 du 12 décembre 2023 portant nomination des Membres du Conseil d’Administration et de la Direction Générale de la RVA-SA. Aussi, le D-G Alphonse Shungu Mahungu n’avait-il pas qualité d’engager la RVA-SA».

Verdict de la Commission : «Que tous les contrats signés dans l’illégalité et l’irrégularité soient revisités aux fins de les régulariser avec les partenaires concernés ou que d’autres soient  annulés». La Commission du Conseil d’Administration « recommande vivement à la nouvelle Direction Générale de se conformer à la réglementation sur la passation des marchés publics». Quel sera demain le sort de Shungu ? Qui vivra verra…

 

ALUNGA MBUWA.

 

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