Qui est l’auteur-compositeur de cette chanson culte Indépendance Cha Cha?

Qui est l’auteur-compositeur de cette  chanson culte Indépendance Cha Cha?

C’est Roger Izeidi, le « maracassiste » de l’Orchestre African Jazz qui est l’auteur-compositeur d’«Indépendance Cha Cha», l’immense chanson qui immortalise l’accession du Congo à la souveraineté nationale et internationale. C’est à cet héros resté dans l’ombre Roger Izeidi devenu avec le recours à l’authenticité, Izeidi Mokoy qu’appartient l’immortelle chanson.

Entre 1955 et 1960, le vent de l’indépendance souffle sur le Continent. Le 4 janvier 1959, les autochtones du Congo-Belge réclament, par une gigantesque et violente émeute sociale, l’indépendance de leur pays. L’émeute éclate à Léopoldville, Kinshasa, la capitale de la colonie.
Le colonisateur l’écrase dans le sang. Mais, il est effrayé.
En février 1960, treize mois après cette émeute, une table-ronde politique se tient à Bruxelles. Elle réunit les représentants de la puissance coloniale belge et ceux du Congo-Belge.
Il s’agit de discuter des modalités d’accession de la colonie à la souveraineté nationale et internationale.
Un orchestre de Léopoldville, African Jazz de Joseph Kabasele, alias Kallé Jeff, y est invité pour agrémenter les soirées hivernales bruxelloises des leaders politiques congolais et belges après les dures et houleuses séances de travail. Les pourparlers entre les représentants des deux parties se déroulent généralement bien.
La date de l’heureux événement est fixée au 30 juin 1960. Il faut fêter à Bruxelles, au rythme d’African Jazz, cette première victoire avant de regagner le pays.

INSPIRATION.
Profondément inspiré, Izeidi, le «maracassiste» s’emploie à composer une chanson en vue d’immortaliser l’événement. Il la présente à Kallé Jeff, le chef d’orchestre. Celui-ci, frappé par la qualité de l’œuvre, l’agrée immédiatement.
Arrangeur musical de talent, il ajoute un peu de sel, de piment, d’huile et d’oignons à la chanson. De commun accord avec son auteur-compositeur, il lui trouve un titre :
«Indépendance Cha Cha». Puis la présente, par improvisation, au moyen de la corde vocale qu’on lui reconnaît, la chanson aux autres membres de l’orchestre. Émerveillés et émus, ceux-ci l’écoutent avec délectation.
À l’issue de cette présentation chantée et envoûtante, Kallé demande à ses ouailles :
– Savez-vous d’où vient cette chanson ?
– Non, répondent-elles.
– Eh ! bien, c’est une trouvaille de mon alter ego, Roger Izeidi.
Tous les membres de l’orchestre l’applaudissent frénétiquement et adoptent, sans hésitation, la nouvelle chanson, l’incorporent dans leur nouveau répertoire.
Aussitôt, Kallé les convie au travail. Les chanteurs, conduits par lui-même, apprennent à chanter la chanson. Les instrumentistes, menés par lui-même également, apprennent à mettre la chanson en musique. Mais, devant bientôt retourner au pays, ils n’ont pas assez de temps pour mieux l’apprendre, mieux la répéter, mieux la maîtriser, mieux l’interpréter en public. La répétition de la chanson est donc sommaire.

IMMENSE SUCCES.
Qu’importe ! Kallé et les siens décident d’interpréter quand même «Indépendance Cha Cha» devant les leaders politiques congolais et belges et autres invités présents à Bruxelles, au fameux hôtel où ils se produisent. La chanson interpelle, égaie et fait danser ces grands messieurs.
Demandée, redemandée, redemandée et redemandée… Elle récolte un franc succès.
African Jazz enregistre, à Bruxelles, avec d’autres chansons qui figuraient déjà dans le nouveau répertoire, la première version d’«Indépendance Cha Cha». Et en fait la chanson-phare de son nouvel album.
Quand le disque 45 tours contenant cette chanson-fétiche est lancé sur le marché congolais, diffusé sur les antennes de la Radio du Congo-Belge et joué dans les bars, le succès est immédiat et immense à Léopoldville, à Elisabethville, à Stanleyville, dans tout le pays, au Rwanda-Urundi et au Congo-Français.
Avant de se répandre ailleurs en Afrique et de devenir l’hymne des indépendances africaines.

SIGNATURE.
Sur ce premier disque 45 tours et particulièrement en face d’«Indépendance Cha Cha», on lit les mentions suivantes : Auteur-compositeur : Roger Izeidi ; Arrangeur: Kallé Jeff ; Lead chant : Kallé Jeff, etc.
Toutes les éditions ultérieures, gravée soit sur le disque 45 tours, soit sur le disque 33 tours, portent ces mêmes mentions.
Ceux qui, anciens et nouveaux, gardent encore ces vieux supports de musique peuvent y jeter un coup d’œil, vérifier la véracité de mon affirmation et en témoigner. Ceux qui, anciens et nouveaux, sont honnêtes avec l’histoire de cette chanson, peuvent aussi apporter leur témoignage. « Indépendance Cha Cha » porte, depuis sa création, une seule et unique signature, celle de Roger Izeidi.

ÉQUIVOQUE.
Ces dernières années, une confusion s’est installée, à propos du nom de l’auteur-compositeur de cette monumentale œuvre musicale. Elle est même délibérément entretenue par certains de ceux qui tiennent à profiter du désordre occasionné par les producteurs clandestins, étrangers et nationaux, des supports modernes de musique (compact disk, flask disk, téléphone portable, etc.) pour jeter le nom de son véritable auteur-compositeur dans la poubelle de l’histoire et lui substituer quelqu’un d’autre.
En effet, ces affairistes ne mentionnent plus les noms de tous les auteurs-compositeurs des différentes chansons que contiennent les supports modernes de musique qu’ils produisent. Par mercantilisme, ils ont pris la mauvaise habitude d’attribuer toutes les chansons de ces supports à une seule personne, la tête d’affiche de l’orchestre. Dont le nom et l’image, imprimés en grands caractères gras, se répandent généralement sur la page de garde de chaque support.
C’est exactement ce qui est appliqué, entre autres, à l’écrasante majorité des chansons de l’African Jazz, dont « Indépendance Cha Cha». Elles sont généralement allouées, depuis plusieurs années déjà, à Kallé Jeff, devenu Grand Kallé.
Un nom de scène que Joseph Kabasele n’avait jamais utilisé durant toute sa longue et riche carrière d’artiste-musicien-chanteur. Grand Kallé est un nom de scène inventé par les chroniqueurs de musique afin de distinguer le vieux loup, Kallé Jeff, dont le nom avait déjà traversé les frontières, du jeune loup, Pépé Kallé (Kabasele Yampagna) de l’Empire Bakuba, qui venait de faire une entrée très remarquée, entre 1970 et 1971, sur la scène musicale congolaise.
Pour mieux illustrer l’affirmation relative à l’absence de noms d’auteurs-compositeurs de chaque chanson du passé sur la majorité des supports modernes de musique, j’en donne un exemple concret.
Il s’agit d’un compact disk (CD), volume 1, produit par une maison d’édition dénommée MM Productions. L’année de production ou de sortie de ce CD n’est pas indiquée sur sa pochette.
Ce CD compile les chansons de trois orchestres du clan African Jazz (African Jazz, African Fiesta et Vox Africa) des années 50 et surtout des années 60. Il comprend, au total, 19 chansons :
1. Indépendance Cha Cha;
2. Africa mokili mobimba;
3. Parafifi ;
4. Miwela Miwela,
5. Naweli Boboto ;
6. Merengue Scoubidou;
7. Sophie wa Matema;
8. Adios Théthé ;
9. Batela mwana na biso;
10. Lipopo ya Banganga;
11. B. B. 69 ;
12. Batu ya Congo ;
13. Ngonga ebeti ;
14. Lucie ;
15. Ndaya Paradis ;
16. Faux millionnaire ;
17. Mobali ya Ngelele ;
18. Léa ;
19. Mado.

À ce que je sache, les auteurs-compositeurs de ces différentes 19 chansons sont respectivement les suivants :
1. Roger Izeidi ;
2. Tino Baroza ;
3. Nom oublié;
4. Kallé Jeff ;
5. Vicky Longomba ;
6. Rochereau Tabu Ley;
7. Vicky Longomba ;
8. Rochereau Tabu Ley;
9. Rochereau Tabu Ley;
10. Jeannot Bombenga ; 11. Matthieu Kuka ;
12. Rochereau Tabu Ley; 13. Rochereau Tabu Ley; 14. Dr Nico ;
15. Dr Nico ;
16. Kwamy Munsi ;
17. Jeannot Bombenga ; 18. Jeannot Bombenga et, 19. Jeannot Bombenga.

Sur ces 19 chansons, une seule, Miwela Miwela, est de Kallé Jeff. Mais, sur ce CD, c’est plutôt le nom de scène inventé par les chroniqueurs de musique, Grand Kallé, qui est promu. Toutes les 18 autres œuvres d’esprit du CD appartiennent à d’autres auteurs-compositeurs sans que leurs noms n’apparaissent.
En procédant de la sorte, il empêche les mélomanes, surtout ceux qui n’ont pas vécu la grande époque où ces chansons ont été écrites, enregistrées, diffusées et dansées, de connaître leurs véritables géniteurs.
Les producteurs clandestins, étrangers et nationaux, des supports modernes de musique ne sont pas les seuls à désinformer et à désorienter les mélomanes sur les noms des auteurs-compositeurs des anciens succès. C’est le cas d’Elengesa Pierre, connu comme Petit Pierre dans les milieux musicaux.
Un soir, il y a quelques années, Petit Pierre induit des millions de téléspectateurs en erreur. Il était pourtant présent, à Bruxelles, lorsque cette chanson fut composée, répétée et interprétée pour la toute première fois en public. Petit Pierre et Brazzos, l’accompagnateur de l’African Jazz, passent, ce soir-là, sur un programme télévisé sur la chaîne publique Rtnc. L’animateur leur pose, en tant qu’anciens d’African Jazz qui ont contribué à l’enregistrement et au succès de la chanson mise en relief ici, la question sur l’auteur-compositeur de la brillante chanson. Brazzos cite, instantanément, avec assurance et enthousiasme, le nom de Roger Izeidi. Mais, Petit Pierre, hésitant, puis le contredit. Il finit par avancer fièrement, avec insistance, le nom de Kallé Jeff.
Énorme contre-vérité et une lourde faute historique.
L’animateur de l’émission lui-même, ne maîtrisant certainement pas l’histoire de cette œuvre musicale, ne dissipe pas la confusion.
L’un des témoins oculaires de la naissance d’«Indépendance Cha Cha», Petit Pierre amplifie davantage l’équivoque dont les producteurs des supports modernes de musique sont les principaux auteurs. D’où, la persistance et le règne de la confusion ou de l’équivoque à propos du nom du véritable auteur-compositeur d’«Indépendance Cha Cha». À la veille du 62ème anniversaire de l’accession de notre pays à l’indépendance, une vérité historique méritait d’être portée.
Il se pourrait que le pays se proposerait de décorer, à l’occasion du 62ème anniversaire de l’indépendance, l’auteur-compositeur d’«Indépendance Cha Cha».
Si elles ne veulent pas que le public averti et les générations futures les qualifient, un jour, de tricheurs, de fraudeurs, de malhonnêtes, de corrompus ou d’injustes, elles doivent tout faire pour décorer le véritable auteur-compositeur de cette monumentale, historique et immortelle œuvre musicale. Et ainsi dissiper, irrémédiablement, toute confusion ou toute équivoque sur son nom.
Et celui-ci ne pourrait être, inévitablement, que Roger Izeidi – Izeidi Mokoy. Un nom qui doit être écrit, désormais, en lettres de lumière.
Puisque Joseph Kabasele, Kallé Jeff, Grand Kalle, devenu Kabasele Tshiamala, a largement contribué à porter cette chanson au firmament par son méticuleux arrangement musical, son incomparable timbre vocal et son aura sociale, Roger Izeidi pourrait alors partager son prix ultime du mérite civique avec son alter ego. Évidemment, si le pouvoir se résolvait de leur reconnaître ce mérite et de leur attribuer, à titre posthume, ce prix. Sinon, le moindre mal serait de décorer le talentueux Orchestre African Jazz, dans son ensemble, pour avoir immortalisé la sortie du Congo du joug colonial.
MUSENE SANTINI BE-LASAYON.

 

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