Si Katumbi passe la main, il cesse d’exister
KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1596 | lundi 6 NOVEMbre 2023.
Cela se dit et s’entend partout. L’ancien gouverneur multi-millionnaire (en $US) serait tenté de passer la main. Mis sous pression par ses maîtres occidentaux – les mêmes qui ne cessaient de défiler chez lui au Katanga, à Kashobwe, admirant ses œuvres – Moïse Katumbi Chapwe aurait tout accepté.
Son combat était sa reconnaissance politique ; la reconnaissance de son identité. Les arrêts de la Cour Constitutionnelle ont tranché. Plus rien ne sera comme avant. MKC a gagné. Il est Congolais. Il peut concourir à tout scrutin, même à la présidentielle.
Le Pouvoir Tshisekedi qui lui avait délivré un passeport qui lui permit de voyager et de regagner le pays n’a pas estimé devoir peser devant la Haute Cour pour obtenir l’invalidation de sa candidature.
En 2018, Kabila l’avait fait avec force armée. Il y était parvenu. Il avait érigé un mur aérien et terrestre infranchissable pour l’homme de Kashobwe. La police et l’armée massées à la frontière avec la Zambie avec un ordre strict : ne jamais permettre à l’ancien gouverneur du Katanga de se faire identifier par la CÉNI, la Commission Électorale Nationale Indépendante, et de se faire inscrire sur les listes électorales. Outre une série de procès intentés dont certains sont encore pendants devant la justice congolaise. À dire vrai, jamais un homme n’avait autant vécu le calvaire.
Malgré les millions déversés à l’Américain J. Peter Pharm nommé le 9 novembre 2018 envoyé spécial pour la région des Grands Lacs par le président Donald Trump, l’animateur Afrique du très pro-républicain Atlantic Council, think tank américain spécialisé dans les relations internationales basé à Washington, n’avait pu obtenir l’autorisation de passer le fleuve pour tenter de plaider la cause de Moïse Katumbi. Il s’était contenté de s’arrêter à Brazzaville et d’observer la grande ville de Kinshasa depuis cette rive brazza-congolaise.
LES MILLIONS
DE $US DéVERSéS À l’AMéRICAIN ATTENDAIENT LIVRAISON.
Le régime Kabila n’avait pu oublier des prises de position de cet homme né à Paris d’une famille vietnamienne qui s’illustra par des attaques contre Kabila et principalement en 2012 dans une tribune parue dans le New York Times intitulée «Pour sauver le Congo, laissons-le s’effondrer».
Dans ce texte, Peter Pharm estimait que le Congo était un pays «artificiel» et «fictif» aux frontières héritées de l’ère coloniale ; qu’il était un pays sans cesse tiraillé par les tentations séparatistes. Il plaidait pour une partition du pays en de plus petites entités en vue de permettre à la communauté internationale de consacrer ses ressources à l’aide humanitaire et au développement et non au maintien de la sécurité. D’où le surnom que des influenceurs congolais lui collèrent : «le balkanisationniste ».
Alors que contre des millions de $US, il avait assuré son client qu’il agirait à Washington pour lui obtenir son retour au Congo, Peter Pharm dût attendre l’élection du nouveau président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo pour sauter le fleuve.
Face à Moïse Katumbi Chapwe, il portait une dette. Ayant versé des sommes colossales, l’ancien gouverneur du Katanga poussé par Kabila en exil depuis 2016 attendait trop impatient la livraison de la marchandise dont il avait payé le prix. C’est Tshisekedi qui prit la décision qui fit revenir au pays l’ancien gouverneur. Le 8 mars 2019, le passeport biométrique congolais fit remis à Moïse Katumbi à l’ambassade du Congo à Bruxelles.
Sur Rfi, Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu – le même -, secrétaire général de l’alors plateforme Ensemble pour le changement fit savoir que la remise du passeport de Moïse Katumbi «n’était qu’un premier pas pour lequel nous félicitons le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo d’avoir tenu parole».
IL SALUE «LE TRANSFERT HISTORIQUE ET PACIFIQUE DU POUVOIR».
Moins d’un mois auparavant, le 26 février 2019, le nouveau président de la République avait reçu en grande pompe, à la Cité de l’Union Africaine, l’envoyé spécial américain.
«J’ai rencontré le Président Felix Tshisekedi et d’autres responsables gouvernementaux, des représentants de la société civile et des Leaders religieux congolais, ainsi que des représentants de tout le spectre politique du pays, y compris l’ancien candidat à la présidentielle, Martin Fayulu. Lors de ces réunions, j’ai souligné que les États-Unis se tiennent aux côtés du peuple de la République démocratique du Congo, à la suite du transfert historique et pacifique du pouvoir en RDC. J’ai félicité le Président Tshisekedi pour son investiture, il y a exactement un mois et j’ai insisté que les États-Unis s’engagent à le soutenir, ainsi que ses efforts à satisfaire le désir clair de changement exprimé par le peuple congolais. Nous sommes encouragés par le nombre de mesures importantes que le Président Tshisekedi a déjà prises, au cours de son premier mois de mandat pour lutter contre la corruption, accroître la transparence, promouvoir le principe d’obligation de rendre compte et améliorer le respect des droits de l’Homme. Alors que le gouvernement est en train de se former, nous sommes impatients de coopérer avec une nouvelle équipe engagée à faire progresser ces valeurs communes. Les restrictions de visas imposées par les États-Unis, annoncées lors de ma visite, vont dans le sens de l’engagement du Président Tshisekedi à éradiquer la corruption, à faire progresser les droits de l’homme et à renforcer la démocratie en RDC. Les personnes identifiées publiquement étaient responsables de la corruption personnelle liée aux élections, laquelle remonte à 2016, bien avant le début de la période de campagne électorale ou le jour du scrutin. Comme je l’ai mentionné au Président Tshisekedi, le gouvernement des États-Unis est prêt à le recevoir lorsqu’il est disponible à se rendre à Washington et nous sommes prêts à travailler avec lui et son gouvernement pour créer un avenir plus pacifique et plus prospère pour le peuple congolais.
J’ai eu également l’occasion de remercier l’Ambassadeur Mike Hammer et l’équipe de l’Ambassade des États-Unis à Kinshasa pour le travail incroyable qu’ils ont accompli ces derniers mois dans des conditions difficiles pour promouvoir les intérêts américains et renforcer les liens politiques, sécuritaires et économiques entre nos deux pays».
LA RAISON
PRINCIPALE DE LA VISITE : PLAIDER POUR LE
PASSEPORT.
Des déclarations trop loin de la réalité. Peter Pharm était venu rendre visite au nouveau président mais il profita de l’occasion pour demander qu’un passeport soit délivré à l’ancien gouverneur. Le diplomate rappelait que le 23 mai 2018, Tshisekedi et Katumbi avaient été reçus à l’Atlantic Council où ils avaient présenté leur plan pour le Congo.
La démarche de l’envoyé américain fut mal interprétée à Washington, au département d’état qui dut le déplacer au Sahel.
Très dépendant des Occidentaux, Moïse Katumbi va-t-il les écouter et passer la main au gynécologue Denis Mukwege dans le cadre d’un partage de responsabilités ? Dans les milieux du médecin de Panzi, on en est convaincu.
«Moïse Katumbi est d’accord pour passer la main à Mukwege. Maintenant que son principal problème est réglé – la reconnaissance de sa nationalité congolaise – il attendra l’élection de 2028», explique un homme.
Reste que s’il le fait, le Congo aura alors tout vu. Comme beaucoup de candidats à la présidence de la République, avoir pris la course n’avait qu’un sens pour lui : brandir la victimisation, trouver une parade, se faire reconnaître, exister. Face à l’histoire, Moïse Katumbi Chapwe aura alors mangé la dernière tranche de crédibilité qui lui restait.
D.DADEI.